L'ascension du réprouvé -Tome 1: L'enfant disparu Prélude - La Chute du Monde Sorcier Le Terrier - Loutry Sainte Chaspoule L’ordre du Phénix, un groupe illicite de sorciers et de sorcières fondé dans le but de combattre le Seigneur des Ténèbres, mené par nul autre qu’Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore, Président-Sorcier du Magenmagot, Manitou Suprême de la Confédération internationale des mages et sorciers et Directeur de Poudlard, l’institution magique la plus renommée du Vieux Continent, s’était réuni sous le toit de la famille Weasley. L’édifice délabré qui se serait effondré depuis fort longtemps sans le concours de plusieurs enchantements, était l’une des dernières places fortes où le groupe pouvait se rassembler en toute sécurité. Envolés étaient les temps où le groupe hétéroclite brillait aux yeux de tous tel un phare parmi les ténèbres grandissantes. En vérité, le phare n’était désormais plus rien qu’une pâle lueur vacillante dont la survie ne tenait qu’au caprice du prochain coup de vent qui la malmènerait. La guerre avait fait bien des ravages parmi leurs nombres. Bien trop étaient déjà tombés sous les maléfices des baguettes ennemies et bien plus encore avaient changé de camp durant le combat, réduisant par la même significativement leurs rangs. Le sorcier centenaire, qui affichait à présent tout le poids de ses années, n’arrivait toujours pas à concevoir la tournure que les évènements avaient subitement prise. Il avait perdu ses camarades en lesquels il avait le plus confiance en l’espace d’une minute, obligeant par la même les combattants restants à battre hâtivement en retraite dans leur dernier bastion. Le Directeur éclata presque de rire, presque, à la pensée d’assimiler le Terrier à un bastion, mais il ne put trouver la force en lui d’étirer ses lèvres en un sourire. Il était trop las et découragé pour ne serait-ce que feindre l’amusement. Le pétillement de ses yeux qui avait été sa marque de fabrique durant tant d’années, avait été oublié depuis belle lurette, son regard à présent éteint par les longues batailles et la soudaine trahison de nombreux de ses plus fidèles amis. Il n’arrivait toujours pas à se faire à l’idée que tant de personnes avaient déserté pour rejoindre l’ennemi. Minerva. Minerva, entre tous, l’avait trahi. Il ne désirait rien d’autre que de croire qu’elle avait été soumise à l’Imperium, mais il savait qu’il en allait tout autrement. Il pouvait s’apercevoir quand une personne était soumise à l’influence du Sort Impardonnable et le regard manifestement clair de son ancien bras droit quand elle avait lancé un maléfice, à personne d’autre que lui-même , ne laissait aucun doute dans son esprit quant à son allégeance véritable. Ils étaient compromis. Il lui avait confiée la plupart de ses secrets et à présent, elle avait changé de bord. Et non seulement elle. Seule une poignée de membres n’avait pas rejoint le Seigneur des Ténèbres et son Général, Sirius Black. Comment était-ce possible ? Comment cet homme pouvait-il rallier tant de personnes à sa cause ? Qu’avait-il bien pu leur promettre pour leur faire changer aussi radicalement de côté ? Il les connaissait tous. Ou du moins avait-il cru les connaître. Ils s’étaient tous forgé une réputation de personnes honnêtes. Altruistes, braves. Ils s’étaient tenus à ses côtés pour le Plus Grand Bien, le suivant jusqu’au cœur de la bataille sans sourciller. Mais à présent, seuls quelques-uns demeuraient pour se battre pour ce qui était juste. Molly, Arthur, Mondingus, James. Même Lily les avait trahis. Trahi son mari et ses enfants. Trahi l’Elu. Trahi le Bien. Dire que les Potter n’avaient pas très bien accueilli cette nouvelle eût été un euphémisme. James fut abasourdi par son départ. Les choses n’allaient pas très bien entre eux, et il pouvait la comprendre dans une certaine mesure. Son mari avait changé et malheureusement ce changement n’avait rien eu de positif, mais cela ne pouvait certainement pas avoir été suffisant pour motiver sa défection vers les rangs ennemis. Son fils fut absolument anéanti. Le sauveur prophétisé du Monde Sorcier avait été réduit à l’ombre de ce qu’il avait été autrefois. Albus n’avait aucune idée de ce que sa mère lui avait dit durant la bataille, mais quoi que ce fût, cela l’avait brisé. Et à présent, ils étaient réunis là. Une poignée de combattants qui n’avaient pas la moindre idée de la marche à suivre. Les mêmes personnes qu’ils s’étaient juré de protéger s’étaient retournées contre eux sans raison apparente. « Albus. » l’appela Molly avec un ton notoirement soucieux dans sa voix. « Que se passe-t-il Albus ? Que pouvons-nous bien faire à présent ? Mes enfants… » Le vieux sorcier se pinça l’arrête de son nez aquilin à la recherche d’une réponse qu’il n’était pas certain de pouvoir trouver. Tous ses plans, toutes ses machinations, toutes ces années de manigances, tout s’était écroulé comme un château de sable au milieu d’une tempête. Que devait-t-il faire à présent ? Que pouvait-il faire à présent ? Il n’y avait aucune possibilité de riposte, pas assez de personnes pour entreprendre quoi que ce soit, et surtout, pas assez de confiance. Les quelques personnes qui restaient se toisaient du regard en se demandant sans nul doute qui serait le suivant à retourner sa baguette. Pour autant qu’il pouvait en voir, et en tout et pour tout, ils avaient déjà perdu. Sans confiance entre eux, ils n’étaient plus un groupe, simplement un rassemblement d’individus que la situation dépassait complètement et qui ne pouvait que s’interroger vainement sur la raison de pareille débâcle. Dans les circonstances actuelles, il n’y avait pas grand chose qu’ils fussent en mesure de faire. Il ne subsistait qu’une seule éventualité, et elle ne le réjouissait guère. « Nous devons partir, Molly. Nous devons disparaître. Prenez le strict nécessaire et partez. Rassemblez vos enfants et partez. S’il vous est possible, quittez le pays jusqu’à ce que je sois en mesure de vous contacter de nouveau. » « Quoi ? » crissa la matrone d’une voix stridente qui le fit grimacer. « Mais Albus… Fred et George sont toujours portés disparus et Bill… » « Fred et George sont probablement en sécurité. Ils ont certainement dû aller se cacher dans un endroit sûr. » ‘S’ils n’ont pas déjà rejoint l’ennemi à leur tour.’ « La boutique est restée intacte. Il n’est donc pas exagéré d’en conclure qu’ils n’ont pas été attaqués. Quant à Bill, il se trouve à Gringotts. Pas même le Seigneur des Ténèbres ne se risquerait à provoquer les Gobelins à l’heure actuelle. » « Mais…il doit certainement y avoir quelque chose que nous puissions faire. Nous ne pouvons tout simplement pas nous en aller ainsi. » insista-t-elle. « Maman, il a raison. » intervint la cadette des rejetons Weasley, du haut de ses seize ans. « Présentement et étant donné l’état des choses, il n’y a rien que nous puissions faire. Nous ne savons rien du tout de notre ennemi. Nous ne connaissons même pas nos propres alliés. Regarde autour de toi Maman. Nous avons été trahis. Il n’y a rien que nous puissions faire. Il n’y a personne à qui nous puissions faire confiance. Pour ce que nous en savons, il pourrait y avoir d’autres traîtres parmi nous en ce moment même. » « Ginevra ! Ce n’est pas quelque chose dont tu dois te soucier. Les enfants doivent rester en dehors de ça… » « LES ENFANTS ? LES ENFANTS ? » éclata Ginny. « L’enfant que tu vois devant toi s’est battue comme tout le monde durant l’année passée. Je suis peut-être encore une mineure mais je ne suis plus une enfant. J’ai arrêté d’être une enfant depuis ma première année à Poudlard. Tu te souviens du fiasco de la Chambre des Secrets, Maman ? J’ai fait parti de cette guerre depuis mes onze ans. » « Ginevra Molly Weasley ! Je n’accepterai pas que tu me parles sur ce ton ! Je suis ta mère et tu me dois le respect, je te rappelle. » « Ta mère a raison Ginny. » intervint Arthur depuis le canapé. « Reste en-dehors de ça. » « En quoi est-ce que cela a un rapport avec notre situation actuelle ? Ce n’est pas une réunion familiale que je sache. Si vous ne pouvez pas me respecter suffisamment pour reconnaître que je suis une combattante comme tous les autres présents ici, alors je n’ai aucune raison de rester. » répliqua vertement la jeune fille. « Il suffit ! » s’exclama Dumbledore d’une voix forte. « Il n’y a guère de temps pour des querelles de famille. La jeune Ginevra a raison, Molly. Il n’y a rien que nous puissions faire tant que nous ne serons pas en mesure de discerner les personnes en qui nous pouvons avoir confiance de celles qui n’en sont pas dignes. Cachez-vous. Disparaissez de la circulation. Je contacterai tout le monde dès que ce sera sûr. Nous n’avons pas de temps à perdre. J’ai installé quelques champs de protections mais… » La diatribe de Dumbledore fut interrompue par l’arrivée à travers le mur d’un Patronus ayant pris la forme d’un lynx. La manifestation argentée sembla balayer la pièce du regard jusqu’à ce qu’il remarque la silhouette du vieux sorcier et s’avança vers lui. La voix de Kingsley résonna à travers l’animal scintillant. « Le Ministère est tombé. Ils arrivent. Fuyez. » Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Le chaos éclata dans la maison. Tout le monde criait à qui mieux mieux les premières choses qui leur venaient à l’esprit à son voisin. Certains semblaient crier pour eux-mêmes. Dumbledore était sur le point de restaurer l’ordre en employant son fameux ‘frappement de mains tonitruant’ quand une violente secousse ébranla soudainement l’édifice. « Que se passe-t-il Albus ? » s’enquit soucieusement James Potter. Le vénérable sorcier interrogé porta sa main à sa poitrine. « Quelqu’un tente de détruire les champs de protection que j’ai installés lorsque nous sommes arrivés. Ils sont déjà là. » « NON ! CA NE PEUT PAS ETRE POSSIBLE ! » feula soudainement une Molly éplorée. La raison du supplice qui l’agitait ainsi se trouvait juste devant elle, juste derrière la barrière qui délimitait le domaine du Terrier. Parmi une quinzaine de personnes drapées de noir et dissimulées sous un masque argenté, se trouvait un individu à visage découvert et dont la main reposait sur la sphère à présent visible du champ protecteur. Les cheveux roux et la boucle d’oreille en dent de dragon constituaient autant d’indices révélateurs quant à l’identité du briseur de sortilèges qui tentait de créer une percée à travers les protections. « NON ! PAS BILL ! PAS LUI AUSSI ! » Personne n’aurait jamais cru que Bill Weasley puisse se retourner contre sa famille, pas même sous l’emprise du Sortilège de l’Imperium. Et pourtant il se tenait là, sa main crépitant de magie contre la surface des champs de protection dont il tentait de venir à bout. La manifeste lueur de concentration dans son regard, semblable à Minerva il y avait de cela pas même une heure, ne laissait aucun doute quant à la clarté de ses pensées. Briser des champs de protection n’était pas une tâche dont pouvait s’acquitter un esprit luttant contre une forme de contrôle étrangère. William ‘Bill’ Weasley était en pleine possession de sa volonté. Et elle était dirigée contre eux. Albus Dumbledore n’était pas peu fier de son habilité à ériger des champs de protection à toute épreuve. Plus d’un siècle d’existence lui avait enseigné bien des choses dans cet art délicat, mais tout son savoir et ses compétences faisaient bien pâle figure devant le jeune prodige qui allait faire voler sa protection en éclats. Ils ne disposaient probablement que de quelques minutes avant que leur dernière ligne de défense ne cède. « Fuyez tous ! Maintenant ! Les protections ne vont pas pouvoir tenir encore longtemps. Sortez des champs anti-transplanage et rendez-vous dans un lieu sûr. Nous devons… » *BOUUM* Défiant ses estimations les plus réfléchies, il n’avait même pas fallu quelques minutes pour que le rouquin ait raison de ses défenses, mais quelques secondes seulement. Un sort de bombardement frappa le sol à quelques pas de la porte, faisant voler des mottes de terre un peu partout. La probabilité pour que leurs ennemis – dont le talent n’était certainement pas négligeable – manquent une cible de la taille du Terrier, était quasiment nulle. Ils ne tentaient donc pas de les tuer. Si tel avait été le cas, un simple Finite Incantatem aurait eut raison des enchantements qui faisaient tenir la maison debout, et cette dernière se serait effondrée sur eux. Mais le sort eut l’effet escompté. Il provoqua la panique générale parmi les personnes à l’intérieur. Ils commencèrent à courir partout à la recherche d’une échappatoire. L’exigüité de la pièce dans laquelle ils se trouvaient, cependant, ne laissait que très peu de marge de manœuvre. James attrapa son fils apathique et plongea à travers une fenêtre, bientôt suivi par les autres. Dans la confusion, Molly ne parvint pas à attraper sa fille mais elle la vit suivre Dumbledore dans l’arrière jardin. Si quelqu’un pouvait préserver son bébé de tout mal et la garder en sécurité, c’était assurément le plus grand sorcier au monde. Elle suivit prestement son mari qui empruntait un chemin menant à un petit bosquet en dehors des champs anti-transplanage. Il subsistait cependant une faille à son raisonnement dicté par ses instincts maternels…Qui allait préserver le plus grand sorcier au monde de tout mal? Albus Dumbledore forçait son chemin vers l’extérieur des protections anti-transplanage avec grande difficulté. Malgré tous ses pouvoirs, ses ennemis étaient extrêmement doués, ne l’attaquant jamais à plus de cinq mais toujours avec une parfaite coordination. S’il avait été un sorcier d’un peu moindre envergure, il serait tombé il y a bien longtemps. Pourtant, le mieux qu’il pouvait faire était de se protéger et esquiver les sorts de ses assaillants masqués. Les choses se compliquèrent quand ils se mirent à viser la jeune sorcière rousse qui l’avait suivi dans l’espoir de se voir être menée en sécurité. Cela avait été manifestement une erreur d’appréciation de sa part, étant donné que le groupe semblait clairement en avoir après lui, bien qu’ils n’employassent aucun sort mortel. Il était évident qu’ils tentaient de le capturer vivant. Peut-être y avait-il encore de l’espoir pour ces âmes égarées. « Restez derrière moi Ginevra ! Je ne laisserai aucun mal vous arriver. » lança le vieux sorcier d’un ton qui se voulait rassurant. Ginevra était la pierre angulaire de son plan. Pour alimenter ‘le pouvoir qu’il ne connaissait pas’ il se devait de la garder en sécurité. L’Elu éprouvait des sentiments très forts pour la cadette des Weasley. Et tant que l’Elu continuait de vivre et d’aimer, il subsistait de l’espoir pour le Bien. Il ne vit jamais arriver le sortilège de désarmement qui le frappa dans le dos, mais vit clairement la Baguette du Sureau s’envoler de sa main par-dessus son épaule. Il se retourna pour faire face à l’ennemi qui s’était dérobé à sa perception et qui venait de s’emparer de l’allégeance de la Baguette de la Mort, seulement pour voir ladite baguette atterrir dans la paume ouverte d’une Ginevra Molly Weasley au sourire narquois. « Et moi qui m’étais donnée tant de mal pour vous avertir que les traîtres se tapissaient partout. Vous vous êtes avéré être bien décevant, Monsieur le Directeur. » « Ginevra, vous… » balbutia le sorcier devenu complètement pâle, et en proie à l’hébétement le plus total. « En effet Monsieur le Directeur. Moi. » Le groupe de mages noirs rassemblés, ricanaient à la vue de son expression ahurie. « Je dois vous remercier pour votre consternante prévisibilité durant tout ce temps. Cela a rendu les choses bien plus faciles. » Le ton d’amusement dans sa voix fit bouillir son sang. Il ne pouvait plus combattre, mais sans la jeune femme traîtresse qui se tenait devant lui, il pouvait s’enfuir bien plus aisément. « Fumseck ! » hurla-t-il, appelant par ce cri son compagnon de longue date. Le phénix apparut dans un déluge de flammes et s’envola vers lui, seulement pour atterrir gracieusement et avec un trille mélodieux sur l’épaule de la même rousse qui avait volé sa baguette juste quelques instants plus tôt, et se mettant à frotter affectueusement son bec contre sa joue. L’expression du visage de Dumbledore relevait du plus haut comique à ce point. Ses yeux avaient atteint la taille démesurée de ceux d’un elfe de maison et sa bouche était bée de stupeur incrédule. « F-f-fumseck ? » Le phénix se tourna à peine pour lui lancer un regard empreint de mépris avant que Ginny ne prenne de nouveau la parole. « Bien trop prévisible, vieil homme. Bien trop prévisible. » Il était bien trop stupéfait pour penser à éviter les deux Stupéfix que lui lancèrent conjointement la baguette de Ginny et la Baguette de la Mort. L’obscurité accueillit obligeamment son esprit troublé, et il perdit connaissance. * * * Lieu : Incartable Ses yeux s’ouvrirent de nouveau un moment indéfinissable plus tard. Il ne se trouvait plus sur le jardin verdoyant du Terrier mais dans un manoir finement décoré. Ses poignets avaient été entravés par une simple corde, quelque chose dont il aurait pu aisément se défaire à l’aide de sa magie libre, s’il n’avait pas été piégé dans un cercle runique drainant toute forme de magie en son sein. Il était complètement impuissant. A sa gauche Ginevra s’agenouillait devant une silhouette encapuchonnée. « Mon Seigneur. Albus Dumbledore est à votre merci, comme vous l’aviez ordonné. » La silhouette se tourna pour lui faire face, mais son visage était recouvert d’un masque blanc qui ressemblait à un crâne avec trois marques verticales qui ornaient le côté gauche telles la griffure d’une quelconque bête sauvage. Qui que fût cette personne, ce n’était assurément pas Voldemort. Le Directeur déglutit avec quelques difficultés. Il devait avoir été inconscient pendant un bon bout de temps. « Qui…? » fit-il d’une voix que sa gorge douloureuse rendait enrouée. Le sorcier tourna sa tête pour lui adresser un regard tandis que Ginny plaçait la Baguette du Sureau dans sa paume ouverte. « Ah. Vous êtes déjà éveillé. Nullement surprenant, compte tenu de la quantité de magie que vous possédez. Bienvenue en mon humble demeure M. Dumbledore. Pardonnez-moi du moyen pour le moins cavalier que j’ai dû employer pour vous amener ici. J’avais l’impression que vous auriez ignoré une invitation dans les règles. » « Vous me voyez désavantagé monsieur… ? » « Erebeus. » répondit le sorcier masqué. Albus se pétrifia et déglutit une fois de plus. Les rumeurs étaient donc vraies ? Il y avait deux Seigneurs des Ténèbres ? « Pourquoi…m’avez-vous amené ici. Pourquoi ne m’avez-vous pas tué plutôt ? » « Parce que j’ai besoin de vous en vie. Parce que j’ai besoin de votre aide. » Dumbledore était complètement perdu. Il n’avait aucune idée d’où il se trouvait, ni de ce qui se passait au juste. Seule une chose demeurait claire dans son esprit. « Alors vous ferez mieux de terminer ce que vous avez commencé et me tuer. Je ne vous aiderai en aucune façon. Vous pouvez me torturer tout votre content ou même essayer de me placer sous Imperium. Cela ne fonctionnera pas. » Un léger pouffement retentit de derrière le masque. Le Seigneur des Ténèbres se leva de son siège et s’avança vers son prisonnier avant de se pencher vers lui de sorte que le crâne blanc ne se trouvât qu’à quelques centimètres du visage du vieux sorcier. « Je n’en serai pas si sûr Dumbledore. » statua Erebeus en plaçant sa main au dessus de la surface lisse de son masque. Il entreprit alors de le retirer révélant ses traits au vieux sorcier complètement choqué. Le monde d’Albus s’écroula quand les yeux verts flamboyants de son interlocuteur plongèrent dans les siens. Quelque chose dans son esprit sembla avoir un déclic et des années d’indices et d’allusion s’emboîtèrent alors brusquement, formant un tableau dans lequel lui, le maître de l’échiquier, s’avérait finalement n’avoir été qu’un pion qui s’ignorait. Son esprit éperdu traitait des années d’informations à un rythme impressionnant. Tellement de faits, tellement d’indices. Il avait été trop absorbé dans ses propres plans pour réellement s’en rendre compte. Il voulut dire quelque chose, afin de montrer que finalement tout ne lui échappait pas, qu’il comprenait désormais au moins la situation, mais la seule chose qui échappa de ses lèvres fut un unique nom, la clé de l’intégralité du puzzle. « Harry. » Erebeus se contenta d’étirer ses lèvres en un rictus satisfait. La victoire avait un goût incomparable. L'ascension du réprouvé -Tome 1: L'enfant disparu Enfants de la prophétie Lieu : Godric's Hollow – Date : 31 Juillet 1980 « DES JUMEAUX ! Albus ! Ce sont deux merveilleux jumeaux ! » s'époumona un James Potter au comble de l'extase. Sa femme Lily venait de donner naissance la veille à leurs deux premiers enfants, l'aîné Harry James Potter et le cadet Alex Charlus Potter. Deux bébés en pleine santé qui voyaient le jour durant les temps sombres de la guerre. « Voilà de merveilleuses nouvelles, James. Merveilleuses en effet. Toutes mes félicitations. Mais je crains fort d'être contraint de porter atteinte à votre belle humeur festive. J'apporte de bien graves nouvelles. » « Voldemort ? » s'enquit l'auror sans la moindre once de peur à l'idée de prononcer le Seigneur des Ténèbres par le nom qu'il s'était choisi. « Qu'est-ce que ce monstre a fait cette fois-ci ? Une autre attaque contre des Né-moldus ? » « Non, non. Il n'a pas encore esquissé le moindre mouvement pour l'instant. En fait, cela fait un bon moment qu'il est demeuré inactif. J'ai bien peur que les nouvelles que je suis venu vous apporter ont déjà dû parvenir à ses oreilles, et qu'il soit à présent en train de planifier son prochain mouvement. » « Quelles nouvelles, Albus ? Quel genre d'informations pourrait faire hésiter ce forcené ? » interrogea un James à présent en proie à la plus grande inquiétude. Il était inhabituel pour Dumbledore d'évoquer un sujet en tournant ainsi autour du pot mais le ton inquiet dans la voix du puissant sorcier attisait en lui un glacial sentiment d'effroi dont il n'arrivait pas à se départir. Son expérience en tant qu'Auror lui soufflait que quoi que fût la chose qui agitait ainsi le vieux sorcier, c'était assurément quelque chose qui devait être de nature à l'inquiéter. « Nous ferions mieux de nous asseoir pour cela, James. » L'auror se contenta d'hocher la tête, l'inquiétude qui étreignait sa poitrine se faisant à présent d'autant plus oppressante. Les deux sorciers se dirigèrent vers le confortable canapé du salon et prirent tous deux places. « A présent dites-moi, de quoi s'agit-il au juste Albus ? » Dumbledore inspira profondément avant de parler. « J'ai dernièrement été à la recherche d'un professeur de Divination pour l'école. Une tâche des plus ardues compte tenu du nombre impressionnant dans le monde de personnes qui se prétendent voyantes. J'ai eu un entretien avec une candidate il y a quelques semaines à Pré-au-lard. En toute sincérité, je me dois de dire que cette femme s'est avérée être une grande déception, et j'étais sur le point de partir lorsque quelque chose s'est produit. Dites-moi James, êtes-vous familier avec le concept de prophétie ? Comment elles fonctionnent ainsi que comment les identifier ? » James secoua sa tête. Albus poursuivit. « Quand une prophétie est délivrée, les facteurs déterminants doivent déjà être avérés et le voyant ne se rappelle jamais de son contenu. Personnellement, je n'avais jamais vu une vraie voyante délivrer une prophétie avant cette nuit. » « Que…qu'est-ce que dit la prophétie, Albus ? » Le vieux sorcier regarda le jeune Auror dans les yeux avant de reprendre la parole. « Celui qui a le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres approche... il naîtra de ceux qui l'ont par trois fois défié, il sera né lorsque mourra le septième mois... et le Seigneur des Ténèbres le marquera, en fera ainsi son égal. Mais il aura un pouvoir que le Seigneur des Ténèbres ignore... et l'un devra mourir de la main de l'autre car aucun d'eux ne peut vivre tant que l'autre survit... Celui qui détient le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres sera né lorsque mourra le septième mois... » En cet instant, le monde de James Potter s'effondra. « Mais…mais…Etes-vous certain que c'est une vraie Prophétie ? » A cela Albus hocha gravement la tête. « Oui. J'ai usé de Légilimancie sur la femme qui l'a formulée et je n' ai trouvé nulle trace de ce souvenir en elle. Elle est malheureusement bien authentique, James. » « Alors…alors mes enfants…l'un d'entre eux… » balbutia James. « Soit l'un d'entre eux ou bien l'enfant des Longdubat. » « Et…le Seigneur des Ténèbres est au courant de cela ? Comment ? » « Un mangemort nous espionnait cette nuit-là. Je suis convaincu qu'il en a reporté au moins une partie significative à son maître. Je suis désolé James, mais votre famille est devenue une plus grande cible qu'elle ne l'était déjà. » Un silence lourd s'abattit entre les deux sorciers. James serrait ses mains si fort que les jointures de ses doigts en devenaient blanches. « Je…j'ai besoin de le dire à Lily. Elle doit savoir. Elle doit aller se cacher avec les enfants. Je ne laisserai pas ma famille être entraînée par ces sottises. » « Je ne suis on ne peut plus d'accord avec vous James. Cependant je crains qu'aller à l'encontre du destin ne fasse qu'aggraver les choses. Le marquage doit quand même avoir lieu. Jusqu'alors, nous ne saurons pas qui est l'Elu et la prophétie ne sera pas réalisée. Voldemort trouvera son égal peu importe à quel point il sera dissimulé. Le destin fera en sorte que cela se réalise. » « Alors je défierai le destin, même si je dois mourir pour cela. » « Je comprends. Je placerai l'enchantement du Fidelitas sur cette maison. Vous devez choisir un gardien du secret,James. Quelqu'un auquel vous puissiez confier votre vie et celle de votre famille. » « Je…ne puis-je pas être gardien du secret ou peut-être Lily ? » « Non, James, le pouvoir du FIdelitas, ne fonctionne que s'il est basé sur la confiance. Le secret ne peut être gardé par celui ou ceux qu'il est supposé protégé. Vous devez choisir quelqu'un d'autre. » « Alors…je choisis Sirius. Il est comme un frère pour moi et il peut se défendre lui-même. Je ne peux imaginer personne d'autre en qui je pourrais avoir plus confiance qu'en lui. Pas même vous Albus. » « Très bien, c'est entendu alors. Amenez Sirius ici demain, et nous exécuterons l'enchantement. » « Je vais l'appeler tout de suite. » * * * Lieu : Godric's Hollow – Date : 31 Octobre 1981 «Il est là. Cours Lily, mets les enfants en sécurité. Je vais le retenir. » L'auror fit signe à sa femme de monter à l'étage. Peut –être pourrait-elle établir quelques champs protecteurs pour maintenir le Seigneur des Ténèbres à distance avant que les secours n'arrivent. « James, non ! Tu ne peux pas le battre. Il est trop puissant. Nous devons nous échapper. » plaida la jeune Lily Potter née Evans. « Nous ne pouvons pas le semer, mon amour. Vas-y ! Je t'aime. Je vous aime tous les trois. » « Nous t'aimons aussi, James. Je t'en prie ne meurs pas. Je t'en prie. » « Je ne peux pas te le promettre ma chérie. Vas-y maintenant ! » Elle monta à l'étage en courant, et James se prépara pour le combat imminent, ses pensées allant à ses amis et sa famille. Une triste pensée solitaire fut dédiée aux traître Black qui avait retourné sa veste et révélé le secret dont il avait été fait gardien à Voldemort. La porte explosa soudainement en une pluie de débris de bois qui allèrent frapper sans aucun dommage le bouclier de James. La figure encapuchonnée pénétra dans la maison comme si elle possédait le lieu, et s'arrêta pour scruter les yeux de James de son regard Serpentin. L'homme à l'aspect reptilien parla d'une voix qui fit naître des frissons au niveau de l'échine de son opposant. « Potter…écarte-toi. Il n'y a nul besoin que tu meures ce soir. Tu peux trouver bien mieux que cette Sang-de-Bourbe qui te sert de femme. « James Potter répondit avec un maléfice Brisos qui impacta sans causer de dommages le bouclier du Seigneur des Ténèbres. « Il n'y a personne de mieux que Lily ! » hurla-t-il en réponse avant d'envoyer une autre volée de maléfices et de sorts à son assaillant. Les deux hommes engagèrent le duel sans plus de mots supplémentaires. James prouva sa valeur en retenant le puissant mage noir qui lui faisait face pendant cinq longues minutes. Le Seigneur des Ténèbres était impressionné par les talents du jeune Auror, mais à la fin, il ne faisait que jouer avec lui. Avec un geste sec de son poignet, il lança un sort de stupéfixion dans sa direction. James vit le sort arriver et érigea promptement un bouclier. Il fut néanmoins littéralement et figurativement stupéfié lorsque les étincelles de magie écarlates détruisirent son bouclier et le frappèrent en pleine poitrine. Inconscient, il s'effondra brusquement sur le sol, ses dernières pensées allant vers la famille qu'il n'avait pas réussi à protéger. « Il y aura une place pour toi dans mon règne Potter, une fois que j'aurai corrigé tes erreurs qui se trouvent à l'étage. Je suis certain que tu entendras raison en temps voulu. » Le Seigneur des Ténèbres entreprit alors de monter à l'étage, à la recherche de ses proies. Au deuxième étage il rencontra un champ répulsif. Un travail effectué à la hâte qui vola en éclats dès qu'il lui opposa sa magie. Il atteignit la porte menant à la pièce dans laquelle la Sang-de-Bourbe s'était réfugiée avec ses enfants. Bientôt, toute cette affaire de prophétie ne serait plus que de l'histoire ancienne. Avec un unique mouvement de sa baguette, la porte fondit sur elle-même et il pénétra dans la pièce. Lily Potter avait sa baguette brandie, prête à combattre de toutes ses forces afin de protéger ses enfants. « Pousse-toi, femme. J'ai d'autres plans pour toi. » « JAMAIS ! » hurla-t-elle avec défiance. « Je ne vous laisserai pas faire de mal à mes enfants. » « Ah. Tu vas essayer de ne pas me laisser leur faire du mal. » corrigea-t-il avec un certain amusement dans sa voix. Cette-fois ci la confrontation dura bien moins longtemps. Un simple Stupéfix eut raison de la femme sans aucun effort. « Estime-toi chanceuse que je t'ai promise à mon Mangemort comme récompense pour ses services, autrement tu aurais précédé tes enfants vers l'autre côté. » Le Seigneur des Ténèbres s'approcha ensuite du premier berceau, celui dans lequel Alex Potter dormait paisiblement, inconscient de la mort qui planait au-dessus de lui. Voldemort pointa sa baguette vers le nourrisson, un sort de mort déjà sur ses lèvres. Ce fut à ce moment là que les choses se gâtèrent. Son bras droit fut soudainement tiré par une force invisible en direction de la main étendue d'un autre garçon. Qui sait si le jeune Harry Potter essayait de protéger son unique frère contre le bâton maléfique ou s'il essayait simplement d'attirer l'attention de l'unique adulte conscient de la pièce ? Quoiqu'il en soit, le sort de mort était à présent dirigé vers le bébé. Si Voldemort avait eut la préscience des conséquences qu'aurait un geste aussi innocent, il aurait probablement essayé de supprimer le sort ou peut-être aurait-il essayé de le dévier. Quoiqu'il en soit, le rayon de lumière à l'éclat vert mortel jaillit de la baguette et alla frapper sans coup férir la poitrine du petit garçon aux cheveux noirs. Et alors le monde ne fut qu'explosion. Le corps de Harry scintilla avant qu'une onde de choc massive ne se répande autour de lui, réduisant le Seigneur des Ténèbres en cendres et prenant avec elle la moitié de la chambre. Des débris volèrent de partout , le berceau d'Alex fut pratiquement détruit, infligeant par la même un bon nombre de blessures au petit garçon. La forme inconsciente de Lily n'eut pas plus de chance. Des morceaux de bois percèrent son corps qui jonchait le sol, ce qui la réveilla. Lily Potter ouvrit les yeux pour faire face à une scène des plus cataclysmiques. Là où le berceau de Harry s'était trouvé, il ne restait qu'un trou qui prenait place à la fois dans le mur et dans le sol de la chambre. Une partie du toit s'était aussi envolée. Nulle trace de son fils aîné n'avait été laissée. Bien trop effarée pour appréhender correctement la signification de ce qu'elle voyait, ses yeux balayèrent le berceau de son autre fils. Le cadet de ses enfants gisait dans une mare de sang, la respiration entrecoupée. Elle se mit à hurler et le cri perçant qu'elle produisit atteignit les oreilles des membres de l'ordre du phénix qui venaient juste d'apparaître à proximité de la demeure en ruines. Albus Dumbledore et Minerva McGonagall accoururent à l'étage après avoir prestement rappelé à lui James d'un Enervatum rapidement lancé. « Lily ! Harry ! Alex ! » James atteignit la chambre effrayé de ce qu'il pourrait y trouver une fois à l'intérieur. Ses peurs se révélèrent fondées lorsqu'il avisa sa femme étreignant dans ses bras le corps de leur seul fils restant. « Vite Minerva, contactez Pomfresh à Poudlard. Il nous faut stabiliser le garçon avant de l'emmener à Sainte-Mangouste. » La femme suivit les instructions qui lui avaient été données et se précipita vers la cheminée qui se trouvait au rez-de-chaussée alors que James soignait les blessures de sa femme et de son fils. « Albus… » appela Lily d'une voix presque inaudible. « Harry…Qu'est-il arrivé à Harry ? » Le vieux sorcier, semblant à présent ressentir tout le poids de ses ans, balaya la scène devant lui du regard. « Lily…Je suis désolé…Je… » il déglutit avec difficulté dû à la boule qui s'était formé dans sa gorge. « Je ne pense pas que Harry… » Il ne put finir sa phrase. Lily fondit en larmes en agrippant son mari comme si sa vie en dépendait. James aussi pleurait la perte de son fils aîné mais il faisait de son mieux afin d'être fort pour sa famille. Il se devait d'être fort pour eux. Lily et Alex avaient tous les deux besoin de lui en ce moment et il ne faillirait pas davantage à sa famille qu'il ne l'avait déjà fait. Il se jura que quoi qu'il advienne il les protégerait à l'avenir de tout mal. « Albus. » dit-t-il d'une voix rauque. « Où est Voldemort ? » Le vieil homme regarda l'enfant dans les bras de Lily et répondit avec gravité. « Je crois que le destin s'est assuré par lui-même de faire exécuter la prophétie James. Je ne peux pas encore dire avec certitude s'il est parti pour de bon mais peut-être avons-nous gagné du temps. » Pompy Pomfresh entra à cet instant dans la pièce, et se mit rapidement à administrer les premiers secours au jeune Potter. Quelques minutes plus tard, le groupe transplana devant Sainte-Mangouste tandis que quelques membres de l'ordre s'assuraient de surveiller la maison des Potter. Un groupe de Médico-mages accoururent pour prendre en charge le nourrisson blessé. « Vite, appelez un briseur de sortilège. Il y a une importante dose de magie noire dans son système. Faites-vite, son noyau magique ne va pas tenir encore longtemps ainsi. » « De la Magie Noire ? » se récria Lily. « Veuillez reculer, Madame. » ordonna une infirmière. « Laissez-nous faire notre travail. Nous le sauverons. » Avec réticence, la jeune rousse recula et laissa les sorcières s'occuper de son fils. « S'il-vous-plaît sauvez-le, s'il-vous-plaît, s'il-vous-plaît… » Elle continua de répéter ces mots tels un mantra. La sorcière hocha la tête à son intention et suivi ses collègues. Lily posa ses mains contre son cœur et pria à la fois pour Alex et pour Harry. Elle ne pouvait pas croire que son merveilleux petit garçon n'était plus. Elle ne pouvait accepter le fait qu'elle l'avait perdu. Non. Peu importe ce que les autres personnes avaient dit, elle ne croirait pas que son fils était parti, malgré tout ce que tout le monde en dirait. Elle ne savait pas à quel point elle avait raison. * * * Lieu : Inconnu – Date : 31 Octobre 1981 La nuit, une forêt n'est jamais silencieuse. Les ténèbres que crée la végétation qui la compose sont toujours percées par nombre de bruits produits par ses habitants. C'est seulement lorsqu'une menace est perçue que la masse d'arbres devient subitement silencieuse, tout comme c'était le cas à ce moment. L'air apparemment paisible de la nuit se mit soudainement à grésiller jusqu'à ce qu'une explosion subite ne vienne détruire un arbre voisin, créant ainsi une clairière dans l'entremêlement autrement ininterrompu de bois. De nulle part, un bébé apparut sans rien pour recouvrir sa petite forme potelée, sa main tenant un long bâton de bois fait en bois d'if. Le garçon fut déposé au sol endormi. Il n'était pas blessé mise à part la présence d'une unique cicatrice on forme d'éclair gravée sur son front. Il demeura ainsi pendant plusieurs minutes jusqu'à ce qu'une silhouette ne se découpe parmi les ombres des bois. Une femme vêtue de haillons se dirigea à travers les flammes mourantes et le bois brûlés vers la source de ce désastre. Elle découvrit le garçon dormant paisiblement par terre, nullement conscient du chaos qu'il venait de causer. La femme le scruta du regard pendant quelques minutes avant de le soulever et de le prendre avec elle dans la nuit sans étoiles, en le portant dans ses bras comme s'il était la plus précieuse des possessions. Elle ne savait pas à quel point son action allait changer l'avenir du Monde Sorcier. L'ascension du réprouvé -Tome 1: L'enfant disparu Enfances séparées Lieu : Ville sans nom quelque part en Europe Centrale – Date : 26 Septembre 1986 La petite ville construite à partir de bois de seconde main, d’acier rouillé et d’autres matériaux aux origines similairement douteuses ne pouvait être assimilée à rien de plus qu’à une décharge. L’amas difforme que constituaient les misérables baraques au milieu de la forêt était un lieu prisé de rassemblement pour toutes sortes de créatures magiques : des sorciers et sorcières aux loup-garous, en passant par les vampires. Bien qu’une partie de la ville fût constituée de véritables établissements, le reste se démarquait par sa décrépitude et son insalubrité qui n’était pas sans rappeler les bidonvilles Moldus. Toutes sortes d’affaires peu scrupuleuses voire même frauduleuses s’y concluaient sans peur aucune de représailles de la part du Gouvernement Magique Allemand qui fermait les yeux. La ville avait été construite en deux ans depuis le jour ou une explosion magique inexpliquée s’était produite au milieu de la forêt créant ainsi une clairière aux proportions significatives et propres à l’habitat. Les premiers à investir les lieux furent les savants du monde de la magie à la recherche d’une explication quant à la soudaine éruption de magie ambiante dans la zone. Certains d’entre eux commencèrent à construire leurs maisons directement sur les lieux lorsqu’il leur apparut que des années de recherches leur seraient probablement nécessaires afin de résoudre le mystère de la clairière. Bien vite toutes sortes de personnes se mirent à se rassembler autour du petit village, en arrivant avec les convois de ravitaillement destiné à la petite communauté. Et avant que quiconque ne puisse s’en rendre compte, la première guilde des marchants s’y était établie. Cela ne tracassa pas outre mesure les savants qui voyaient en cela un moyen commode de commander et recevoir les provisions dont ils avaient besoin. Bien que la plupart de ces chercheurs ne fussent pas spécialement brillants, tout comme leurs pairs ils n’octroyaient que très peu de leur temps aux choses n’ayant aucun lien avec l’objet suscitant leur intérêt. Leur petite colonie se situait entre deux villes magiques importantes et grâce à la guilde qui s’y était installée, elle devint bien vite un itinéraire apprécié pour toute personne désirant voyager à la manière des Moldus sans être repérée. Ce n’était dès lors plus qu’une question de temps avant que les contrebandiers ne se mettent à utiliser cet itinéraire pour leurs propres fins. En conséquence, toutes sortes de poisons et d’artefacts dangereux et illégaux transitèrent bien vite par cette voie. C’était un moyen de transport bien primitif et lent, mais il avait cet avantage appréciable de ne pas être sujet à l’attention des autorités. Cela prenait assurément beaucoup de temps à tout produit pour arriver à destination mais c’était un moyen bien plus sûr que les portauloins, dont l’usage et la création étaient surveillées de très près. Il était donc difficile de faire passer de la contrebande par cette voie-là sans s’acquitter d’un pot-de-vin conséquent, ce qui en retour augmentait significativement les prix des produits sur le marché noir. Le gouvernement quant à lui, était au fait de la situation, mais n’éprouvait aucune peine à fermer les yeux. Du moment que les habitants de la ville s’en tenaient à leurs machinations sans impliquer les honnêtes citoyens de leur pays, tout était sous contrôle pour autant qu’ils étaient concernés. D’une certaine manière, cela leur rendait bien plus aisé la tâche constituant à délimiter un trait de séparation entre la partie saine du pays et celle gangrénée par les rebuts de la société. Quelques pot-de-vin judicieusement placés, et revenant au final bien moins cher que ceux du Bureau de Régulation des Portauloins, permettaient par ailleurs à ces derniers de se prémunir efficacement contre les yeux et la main intransigeants de la Loi. Ainsi menée, la ville ne tarda pas à se dégrader au fil du temps et bien que les savants fussent laissés en paix dans leur propre coin de la ville, le reste devint bien rapidement le repère de toutes sortes d’individus et d’organisations aux activités peu ragoûtantes. Bien évidemment en des lieux comme celui-ci, où toutes sortes de désirs se voyaient aisément assouvis, il n’était pas étonnant de voir quelques orphelins en parcourir les sombres ruelles. C’était le genre d’endroit où des femmes aux familles vertueuses pouvaient disposer, à l’insu de tous, de leurs enfants conçus à titre bien moins vertueux. C’était donc pour cette raison que personne ne prêta attention à l’enfant décharné et aux pieds nus qui déambulait dans les rues vêtu de haillons. Un enfant comme bon nombre d’autres de cette ville : sale, malodorant et bien sûr à l’estomac criant famine. Par ailleurs, la physionomie du jeune garçon ne semblait pas faite pour attirer le regard. Si on ne prenait pas en compte ses yeux. Il possédait seulement deux traits caractéristiques qui le rendait reconnaissable pour quiconque le connaissant déjà. Le premier trait était des yeux verts à la nuance hors du commun et qui possédaient une clarté et une vitalité qui en étaient presque hypnotisant. Ils convoyaient aussi un regard extrêmement dur, semblable à celui de la plupart des autres garçons vivant dans ce petit amas sans nom de baraques misérables en plein milieu de la forêt. Cependant la force intérieure que trahissait ce regard n’avait rien de commun, tout particulièrement en ce genre d’endroit apostasié, où la résignation et la misère régnaient en maître dans le cœur de la plupart de ses habitants. Le second trait qui était propre au garçon se trouvait dans une cicatrice en forme d’éclair bien moins perceptible sous ses cheveux noirs désordonnés, et qui lui avait valu le nom qu’il portait. « La Balafre ! Viens ici ! TOUT DE SUITE ! » s’écria une vieille femme en allemand. Le garçon entra en courant dans une misérable masure à l’équilibre précaire où la vieille était affairée à remuer une mixture qui bouillait dans un chaudron. « Je suis là ma tante. De quoi avez-vous besoin ? » répondit-il dans la même langue. La vieille femme qui l’avait élevé ne se donna pas la peine de se retourner pour le regarder et se borna à continuer de remuer son chaudron. La similitude qu’offrait ainsi la vieille femme avec l’une de ces sorcières malfaisantes des contes de fées aurait sauté aux yeux du garçon s’il avait lu ou entendu un conte de fée au cours de sa jeune vie. « Amène ces fioles à l’homme qui vit de l’autre côté de la colline, dans le grand manoir. » Le garçon se raidit perceptiblement à la mention de cet endroit. Il n’aimait pas aller là-bas et il appréciait encore moins rencontrer cet homme. La manière dont il le regardait à chaque fois qu’il s’y rendait constituait toute la hantise de sa vie. « Dépêche-toi, j’ai d’autres courses à te faire faire. » Le garçon n’esquissa pas un geste. « TOUT DE SUITE MON GARCON ! » Le cri lancé le tira violemment de son état pétrifié. Il saisit hâtivement les fioles, les plaça dans son sac et sortit en courant. Il continue de courir à travers la ville aux dimensions énormes pour un petit garçon, ses petits pieds nus foulant le sol glacial et boueux. Ses mains agrippaient fermement le sac, à la fois afin de ne pas se le faire voler et pour empêcher les fioles de tomber et de se briser. Il se rappelait encore de l’indicible douleur qu’il avait endurée la dernière fois qu’il avait avoué à sa tante que cela s’était produit. Il pouvait d’ailleurs toujours ressentir la douleur dans son dos. Les cicatrices qui s’y trouvaient n’avaient pas encore totalement guéri. Il se faufila parmi la foule insouciante quant à son existence à travers les rues et continua sa course jusqu’à atteindre les limites de la ville et la forêt qui l’encerclait. Sa silhouette fut engloutie par la masse boisée semblant sans fin et où très peu de personnes osaient s’aventurer. On ne le revit plus du reste de la journée. * * * Lieu : Godric’s Hollow – Date : 26 Septembre 1986 « Allez Alex ! Esquive plus vite ! » James Potter envoya un autre sort Cuisant sur son fils. Le garçon aux cheveux roux et aux yeux noirs sauta sur sa gauche pour éviter le rayon de magie qui se dirigeait vers lui. Son souffle se faisait haletant et il suait profusément. Depuis ce maudit jour d’Halloween son père avait commencé à l’entraîner jusqu’à ce qu’il ne puisse plus tenir debout. Le garçon ne pouvait pas encore faire de magie, à la fois parce qu’il ne possédait pas de baguette et parce que son cœur magique était toujours affaibli suite à cette nuit ; mais cela ne voulait pas dire pour autant que son corps et son esprit ne pouvaient être entraînés. « Déjà fatigué ? » le harangua son père en voyant son fils se démener pour rester debout après une demi-heure d’entraînement intensif. « JAMES ! Arrête-ça tout de suite ! » s’écria Lily Potter en entrant dans la pièce après avoir été alertée par les cris de son mari. « Ne vois-tu pas qu’il a atteint ses limites ? » James se recroquevilla face au ton orageux de sa femme. Depuis la mort de Harry, un nom qu’on ne pouvait mentionner en sa présence, elle était devenue quelque peu surprotectrice à l’ égard de son dernier fils et ne manquait jamais d’arracher la tête de son mari à chaque fois qu’il dépassait les limites de ce qu’elle considérait comme sûr et sain. « Mais, ma chérie… » essaya-t-il de protester. « Non James. Tu ne peux pas l’éprouver aussi durement. Il n’a que six ans. Qu’espères-tu accomplir ainsi ? » Il était sur le point de répondre lorsqu’Alex parvint à rassembler assez de souffle pour défendre sa cause. « M’man…tout va bien. S’il-te-plaît Papa, reprenons. » James sourit à son fils. « Alex…tu n’as pas à te donner autant de mal. » « Si je le dois. » répondit le garçon. « Je suis le Garçon-qui-a-survécu. Je suis celui désigné pour faire face à Voldemort lorsqu’il sera de retour. Je ne peux rien espérer accomplir de bon en paressant. Je dois devenir plus fort. » « Alex, je t’en prie… » plaida Lily au bord des larmes. « Non maman. J’ai déjà perdu un frère avant même de l’avoir connu. Je ne vais pas laisser ce monstre ou personne d’autre faire du mal à ma famille. Je vais vous protéger, toi, papa et Rose. Et je ne pourrai pas le faire ça si je ne donne pas tout ce que j’ai dans mon entraînement. » James eut un sourire éclatant en entendant les paroles de son fils tandis que Lily se contentait de l’étreindre de toutes ses forces. Son père lui avait inculqué la valeur de la famille et l’importance qu’il y avait à protéger ceux qui lui sont chers. Alex avait été bien plus que réceptif à ce concept, une sensibilité exacerbée qu’il avait développé en voyant sa mère pleurer chaque jour son frère depuis longtemps disparu. « Merci Alex. » souffla sa mère. « S’il-te-plaît n’en fait pas trop. Nous ne voulons pas que tu nous protèges au détriment de ta santé. » Elle délivra son fils de son étreinte et se tourna vers son mari. « Si jamais il est blessé, tu dormiras sur le canapé pendant une année entière. Me suis-je bien fait comprendre ? » Le pauvre James hocha furieusement la tête. Lily pouvait être vraiment terrifiante lorsqu’elle s’en donnait la peine. La sorcière aux cheveux roux quitta la pièce tandis qu’elle entendait les deux garçons reprendre leur activité. Elle était si fière de son fils qui s’essayait avec tellement d’ardeur même si son cœur magique n’était pas encore entièrement remis. Cela avait pris longtemps avant que l’énergie résiduelle du sort de mort ne fût complètement évacuée de son système. Il lui avait fallu passer un mois entier dans un coma artificiel pour cela. Son cœur magique serait complètement restaurée au moment où il se rendrait à Poudlard lui avait assurée la guérisseuse en charge de son fils. Une guérisseuse qui n’avait aucune idée de ce qu’était la confidentialité du patient. Après que les nouvelles de la disparition de Voldemort et que le garçon avait survécu au tristement célèbre Avada Kedavra, eurent éclaté au grand jour, son fils avait été élevé par tous au rang de Sauveur du Monde Sorcier même si personne ne savait exactement ce qui s’était passé cette-nuit là. Quels tissus d’inepties. Dumbledore pensait que la mort de Harry avait déclenché une sorte de protection liée au sang sur son jumeau. Il n’était pas certain de pouvoir s’expliquer comment cela avait pu être possible, mais la magie n’était certes pas connue pour être une science exacte. Les enfants étaient bien plus en phase avec leur cœur magique que ne l’étaient les adultes en raison de leur acceptation naturelle de leur environnement tout en faisant manque de la concentration nécessaire pour y faire appel correctement. Lorsqu’un être magique grandissait ce pouvoir était perdu en échange de celui lui permettant de contrôler la magie. Mais l’esprit d’un bébé était en mesure de réaliser des phénomènes magiques qui échappaient totalement aux ‘utilisateurs de baguettes’. C’était une habilité primaire, pure and spontanée. Ce n’était rien de moins qu’un miracle. Quel malheur que personne n’ait pu être témoin de ce qui s’était passé cette nuit-là. Quel malheur que le prix de ce miracle ait été la perte d’un fils. Elle n’avait jamais accepté le fait qu’Harry fût mort malgré le fait qu’aucune trace de lui n’ait été retrouvée. Sans son autre enfant, ce n’était pour elle qu’un demi-miracle. Elle continuait de prier tous les jours à n’importe quel pouvoir supérieur, Dieu, la Magie, le Destin, pour que le miracle soit complété et que son fils perdu lui soit retourné. Jusqu’à présent, ses prières avaient été ignorées. Elle descendit les escaliers pour se rendre au salon. Ce même endroit où Voldemort avait combattu son mari après que ce chien traître lui eut révélé le lieu de leur domicile. La seule satisfaction qu’elle éprouvait à son égard tenait dans le fait qu’elle le savait être en train de pourrir à Azkaban sous la torture des créatures les plus détestables qui soient connues sous le nom de Détraqueurs. C’était là la chose la plus semblable à un enfer qu’on pût trouver sur cette Terre. Elle saisit un petit cadre qu’elle s’assurait de toujours positionner en pleine évidence dans le salon. Une photo d’elle tenant Harry dans ses bras tandis que James portait Alex. Les deux garçons étaient inséparables à l’époque. Ils partageaient tout. Chaque moment de leur vie, du matin jusqu’à l’heure du coucher était passé comme s’ils étaient une seule et même personne. Ils avaient un lien si merveilleux… Elle était sur le point de laisser libre cours à ses larmes difficilement contenues jusqu’à présent lorsqu’elle fut taclée par un petit missile humain. « M’man ! » Une petite Rose Potter de quatre ans enlaça sa mère de ses petits bras comme elle s’en était fait une habitude depuis toujours. Elle était incroyablement sensible à l’atmosphère qui l’entourait et était toujours là pour sa mère à chaque fois que cette dernière était triste. « Ne pleure pas, m’man. » plaida-t-elle avec de grands yeux humides. Lily ne pouvait rien lui refuser lorsqu’elle lui faisait ce visage-là. Cela la faisait immanquablement fondre. « Je suis désolée, mon cœur. Je ne voulais pas te bouleverser. Je ne pleurerai plus, c’est promis. » L’enfant renifla bruyamment et étreignit sa mère d’autant plus fort. La petite fille de quatre ans était la copie conforme de sa mère à cet âge. Des cheveux roux broussailleux, dont elle ne parvenait à avoir raison que lorsqu’elle avait recours à certains enchantements, jusqu’aux yeux verts éclatants qu’elle avait aussi en commun avec son frère Harry. La jeune fille était une sorcière avec un potentiel rare. A l’âge de quatre ans ses faits de magie accidentelle, ne semblaient en rien accidentels, sa magie se manifestant avec une terrifiante précision à chaque fois que l’oncle Peter avait l’audace de la prendre pour cible d’une farce. L’ami de longue date avait appris très vite à ne pas provoquer l’ire de la cadette des Potter. Peter avait été leur plus proche ami ces dernières années depuis la trahison de Sirius et que James et Remus se fussent perdus de vue. Non, ‘perdus de vue’ n’était pas l’expression correcte. C’était plutôt James qui avait éloigné Remus. Ce n’était pas tant dû à une hostilité ouverte, mais plutôt à une défiance inconsciente de sa part. Lunard était un loup-garou, les loups-garous étaient des créatures des ténèbres, et les ténèbres signifiaient le mal. Après s’être vu trahi par son frère en tout excepté par le sang, James ne pouvait se résoudre à faire confiance à quiconque n’étant pas de sa famille excepté Dumbledore. Peter était un cas à part mais c’était seulement parce que personne ne pouvait percevoir Peter comme une menace. L’homme avait peur de sa propre ombre. Le fait qu’il ait été admis à Gryffondor constituait un mystère qui demeurait encore irrésolu à ce jour. Remus avait bien sûr été fortement attristé par la situation, mais il n’en concevait aucune amertume. La trahison de Sirius avait représenté un coup dur pour lui aussi mais il pouvait comprendre le besoin qu’éprouvait son autre ami à garder sa famille en sécurité. Bien évidemment Lily et Peter continuaient de voir régulièrement Remus et l’animagus Rat continuer d’accompagner son ami ‘au petit problème de fourrure’ à chaque pleine lune. James ne disait rien à propos de l’amitié de sa femme avec le loup-garou mais il était clair que cela ne lui plaisait guère. Il n’osait pas dire quoi que ce soit, cependant, car il se savait rationnellement être en tort. Il n’arrivait tout simplement pas à faire face et surmonter cette peur primale qu’il avait développée. Remus, quant à lui, ne l’en avait jamais blâmé. Son loup intérieur comprenait plus que quiconque le désir viscéral qu’on éprouvait à vouloir garder ses rejetons en sécurité. Lily s’installa sur la canapé avec sa fille sur ses genoux, caressant tendrement ses cheveux et lui chantonnant une douce berceuse à ses oreilles. Elle continua à la bercer ainsi jusqu’à ce la petite fille soit endormie dans ses bras. Elle contempla sa fille, et en repensant à toutes les choses qui s’étaient effondrées cette nuit-là, elle continua de prier intérieurement pour une seule et unique chose. « Je t’en prie, reviens vite à la maison, Harry. Tu nous manques à tous terriblement. » Huit longues années auraient à passer avant que son vœu ne soit exaucé. L'ascension du réprouvé -Tome 1: L'enfant disparu Grandir dans la boue Lieu : Ville sans nom - Date : 27 Septembre 1986 Le petit garçon connu sous le sobriquet de La Balafre émergea des sombres profondeurs de la forêt bien après l'aurore. La douce brise matinale qui soufflait constitua un maigre réconfort pour son corps endolori. Les cicatrices qui marbraient son dos s'étaient rouvertes et les soins hasardeux qu'il avait reçus au domicile de l'homme étaient bien loin de s'acquitter de leur office apaisant. Tout particulièrement après les activités de la nuit passée. Il se sentait sale et souillé d'une manière telle qu'aucun petit garçon ne devrait avoir à expérimenter. Le contact n'était jamais devenu abusif ni même violent. Cela ne faisait de mal à personne, n'est-ce pas ? La Balafre était bien loin de partager cet avis. Il haïssait cela. Cette façon dont il l'enjoignait à le toucher. Il se sentait mourir toujours un peu plus à chaque fois qu'il le faisait, mais le fait était qu'il ne jouissait en aucune façon de ce luxe utopique qu'était la possibilité d'avoir le choix. Il était bien trop petit pour gagner de l'argent d'une autre façon et faire les courses ainsi que commettre quelques vols de-ci de-là constituaient des moyens de revenus bien limités. Il lui était impossible d'obtenir la potion rare dont il avait besoin d'une autre façon. La vieille sorcière qui l'avait élevé, ne savait pas en préparer, non pas qu'elle le ferait si cela lui était possible. Elle l'avait élevé par simple curiosité en premier lieu, puis comme garçon de courses dès qu'il avait appris à se tenir sur ses jambes. Elle n'avait rien d'un parent et, en aucun cas, elle ne se donnerait du mal pour l'aider. Le mieux qu'il pouvait espérer d'elle était un peu de pain rassis pour toute nourriture, un toit perforé au-dessus de la tête pour tout refuge et un fameux coup de fouet pour toute erreur qu'il avait le malheur de commettre. Comme celui qui l'attendait en rentrant. Il avait passé la nuit dans ce Manoir de son propre chef et il n'allait pas en partager les profits avec elle. Elle ne le faisait pas pour lui, alors il ne le ferait certainement pas pour elle. Par ailleurs, si jamais elle avait vent du genre de 'services' qu'il procurait, il était certain qu'elle le forcerait à travailler dans cette voie pour son propre gain. C'était certainement la dernière chose qu'il désirait. Il faisait ces…choses dégoûtantes pour une raison. Une raison en dehors de lui-même. En marchant sur le chemin boueux, il trébucha subitement et tomba face la première. Ses mains agrippèrent instinctivement son sac afin d'en protéger le contenu au lieu de les brandir devant lui pour amortir sa chute. Son visage heurta le sol avec un bruit d'éclaboussure. Pendant un moment, il ne sembla pas réagir, puis il entreprit de déposer délicatement le sac au sol avant d'utiliser ses mains libres pour se relever. Il essuya la boue de son visage avec le revers e sa main et pendant un instant il demeura sur ses genoux à considérer toute la misère que représentait son existence. Il se sentait une envie difficilement contenue de sangloter. Malheureusement, il avait appris très vite que les larmes n'étaient bonnes qu'à faire remarquer davantage votre faiblesse actuelle. Non, il ne pleurerait pas. Il ne pouvait pas pleurer. Les larmes étaient la marque infamante des faibles et les faibles mourraient très vite. Il ne pouvait se permettre de succomber. Il avait une raison qui expliquait ses actes. Il avait une raison qui le poussait à continuer. Une raison de vivre. Une raison qui l'attendait dans ce recoin putride du monde qui l'avait vu s'éveiller à la vie. Il se remit difficilement sur ses pieds et reprit sa marche. A cette allure, cela lui prendrait au moins quelques heures pour rentrer. Il traversa la forêt d'un pas assuré, comme si elle était son aire de jeu…et d'une certaine manière c'était le cas. Les créatures de la forêt n'avaient jamais semblé constituer une menace pour lui. Même les plus imposants d'entre elles se bornaient à ignorer sa présence. Bien sûr, les réactions variaient selon les espèces. Les oiseaux le considéraient comme un prédateur et prenaient soin de garder leurs distances. Seuls les hiboux n'éprouvaient aucune crainte en sa présence, mais ils étaient connus pour être une espèce avienne magique, aussi était-il compréhensible qu'ils ne fuient pas le sorcier qu'il était. Les loups étaient accommodants du moment que vous ne menaciez pas leur territoire et ils vivaient au plus profond de la forêt loin des installations humaines. Les loups-garous n'étaient une espèce dangereuse que lors de la pleine lune. Par ailleurs, ils avaient assez de bon sens pour ne pas attaquer un lieu où des centaines de sorciers et sorcières ainsi que vampires vivaient. Ils agissaient en concordance avec leur instinct au cours de leur transformation et la ville exhalait des relents de dangers mortels que la meute pouvait sentir de loin. L'instinct de survie ne trahissait jamais. Enfin il y avait les Trolls, qui étaient connus pour être énormes, lents et stupides, sans compter qu'on pouvait les sentir à une lieue à la ronde. Ce n'était donc pas très difficile de les éviter dans cette forêt spacieuse. Par ailleurs, même si La Balafre avait le malheur de les croiser, il savait exactement comment s'occuper d'eux. Les Trolls étaient des créatures…grandement incomprises. En raison de leur manque d'intellect, ils avaient développé une agressivité peu commune envers tout ce qu'ils considéraient comme étant un danger ou de la nourriture. L'astuce pour survivre une rencontre avec un spécimen de cet espèce résidait donc dans le fait des amener à comprendre que vous ne faisiez partie d'aucune de ces deux catégories. La taille de La Balafre le rendait difficilement reléguable au rang de menace, et parce qu'il était aussi malodorant qu'un Troll, il était la plupart du temps pris pour l'un de leur petit et était autorisé à déambuler parmi eux sans qu'aucun mal ne lui soit fait. La Balafre passait beaucoup de temps parmi eux et avait appris beaucoup de choses sur leur race. Les Trolls, bien que peu intelligents, compensaient leur manque individuel d'intellect en travaillant dans un effort commun. Les sociétés Trolles étaient structurées de façon assez simple, avec un unique chef bénéficiant d'un petit clan de guerrier pour tout entourage tandis que les autres étaient soit chasseurs, soit des femelles gravides ou des enfants. Les femelles étaient les dépositaires de la culture Trolle. En effet, les Trolls disposaient bel et bien de légendes et de contes qui étaient transmis oralement aux générations futures. Certes leur narration était défaillante au même titre que leur vocabulaire, mais beaucoup d'informations pouvaient être glanées en s'asseyant parmi leurs assemblées et en les écoutant. Les Trolls avaient été les témoins privilégiés de la majorité des guerres entre les différents peuples magiques et auxquelles ils s'étaient bien gardés de participer vu qu'ils n'avaient jamais rien eu à y gagner excepté le fait de devenir de la chair à canon pour l'une ou l'autre des forces en présence. Non, les Trolls restaient dans leur coin, observaient et apprenaient. Il apprit de nombreuses choses sur la misère qui étouffait le monde. Il apprit ce qu'était la folie des hommes et tout ce qu'elle pouvait détruire dans son sillage. Il apprit leurs erreurs sans cesse répétées. Il apprit l'histoire de sociétés qui s'élevaient et chutaient en raison de leur cupidité et de leurs peurs. Il apprit l'histoire de races depuis longtemps éteintes. Comme les Longues Oreilles, comme les Trolls se plaisaient à les nommer, qui avaient quitté ce plan d'existence pour un autre à l'issue de la guerre mémorable connue sous le nom de la Guerre de la Déchirure qui avait éclatée il y a de cela deux millénaires. Il en apprit aussi sur le peuple des Fées qui s'était réfugié sur l'île dans laquelle il s'était murmuré que le dernier Roi Elu des hommes s'était rendu après sa mort. Quelques Trolls Anciens pensaient que c'était un seul et même endroit, mais il leur était impossible de le vérifier. Non pas qu'ils y accordassent une quelconque importance, d'ailleurs. L'île était supposée être une Terre que seuls ceux qui n'abandonnaient pas leurs rêves pouvaient atteindre. Arabon ? Abaron ? Non, Avalon. Oui, c'était là le dernier nom qu'on avait attribué à cet endroit. Il apprit et il fut dégoûté. Mises à part quelques exceptions, comme le Roi des Chevaliers et son entourage, l'humanité -malgré toute sa prétendue intelligence supérieure - était incapable de maintenir un semblant de stabilité pendant plus de quelques siècles et ce, non sans un grand nombre de conflits. Comparés à eux, les Trolls étaient une société dont la stabilité se comptait en millénaire. Pas si mal pour la plus stupide des races, non ? La Balafre écoutait et apprenait. Il était un sorcier, il le savait déjà quelques cas de magie accidentelle et de magie bien moins accidentelle s'étaient fait fort de le prouver. Il était un sorcier et il voulait savoir. Il était sale et était vêtu de haillons mais il avait foi en le fait qu'il pouvait accomplir n'importe quoi pour peu qu'il s'en donnât la peine. Il avait survécu jusqu'à présent dans cet environnement des plus hostiles. Cela seul servait à prouver sa force. Il savait que ce serait difficile mais il quitterait un jour ou l'autre cet endroit maudit et il forgerait son propre chemin dans le monde, tout comme ceux avant lui l'avaient fait. Sans jamais abandonner, ni jamais reculer. * * * Absorbé comme il l'était dans ses réminiscences, il arriva à la ville sans même s'en rendre compte. Il aurait dû rentrer chez lui immédiatement mais il était plus que conscient que s'il le faisait, il ne serait plus en mesure de se mouvoir pendant un certain moment. Ce fut donc en connaissance de cause qu'il tourna à un angle et continua son chemin vers une autre partie de la ville en se déplaçant à travers les différents établissements miteux qui ne tenaient encore debout que par un usage intensif de magie. Assez vite, ses pieds le menèrent à destination. Une petite baraque sans porte. Juste quatre murs et un toit plat. Il entra à l'intérieur où sa famille l'attendait. « Frère… » l'accueillit une voix affaiblie depuis un coin sombre de la pièce. La Balafre se dirigea vers cet endroit où une petite fille aux cheveux blonds reposait sur de méchantes planches de bois recouvertes de peaux d'animaux. La chose se rapprochant le plus d'un lit qu'il avait été en moyen de se procurer pour elle. « Tu es de retour. *touss* J'étais inquiète pour toi. » souffla la petite fille aux saisissants yeux bleus qui le regardaient avec tendresse. « Désolé, sœurette. J'ai été très occupé dernièrement. Comment te sens-tu aujourd'hui ? As-tu mangé quelque chose ? » demanda La Balafre à la fille manifestement très malade. La petite fille hocha faiblement la tête. « Oui mon Frère. Je me sens un peu mieux aujourd'hui merci. Et oui j'ai mangé le pain que tu m'as laissé hier. Il n'était pas infesté du tout. » Mais il était manifeste qu'elle mentait, du moins pour la première partie. Elle ne paraissait aller nullement mieux que la veille. « Je vois, c'est très bien. Quoi qu'il en soit j'ai réussi à me procurer ces potions dont le guérisseur a dit que tu avais besoin pour aller mieux. » La fille parut stupéfaite. Ces potions étaient rares en des lieux tels que celui-ci et par conséquent ils en étaient d'autant plus coûteux. Avec autant d'argent, La Balafre aurait pu s'acheter un mois entier de vivres. « Comment ? *touss* Frère tu n'avais pas besoin de faire ça. S'il-te-plaît ramène-les ou échange-les contre de l'argent. Je me sens déjà mieux. » La Balafre se contenta de sourire devant le pieux mensonge de sa sœur. « Tu ne mens pas mieux que la dernière fois où tu as essayé Sœur. Viens, maintenant. Je me suis donné beaucoup de mal pour les obtenir. Tu as intérêt à les boire tout de suite ou sinon… » Sa sœur eut un soupir résigné. Son frère pouvait déceler ses mensonges sans coup férir. Il n'y avait aucune chance qu'il se laisse avoir ainsi. Elle n'avait pas d'autre choix que de faire ce qu'il disait même si elle n'appréciait pas le fait qu'il se donnât autant de mal pour elle. Elle but la potion au goût amer sous le regard aimant de son frère. Frère et Sœur. Ils n'avaient aucun nom qu'ils pouvaient revendiquer comme le leur, si ce n'était ceux-là. Ils n'étaient que deux êtres sans lien de parenté qui s'étaient attachés l'un à l'autre à la recherche d'un support dans un monde froid et cruel. S'ils s'étaient rencontrés à un âge plus avancé, ils seraient peut-être devenus amants, mais dans leur jeune naïveté ils n'en comprenaient même pas la notion. Enfin, peut-être ne le pouvait-elle pas. Lui, d'un autre côté, n'était que trop familier de la chose et pour autant qu'il était concerné, cela n'était en rien plaisant. Finalement, elle termina la dernière fiole et retourna sous ses minces couvertures. « Les potions devraient te rendre somnolente. Assure-toi de bien manger avant de dormir, d'accord ? Je dois y aller à présent. Avec un peu de chance, je serai de retour dans quelques jours. Si tu as besoin de quoi que ce soit, demande à la vieille dame dans la cabane d'à-côté d'envoyer quelqu'un me chercher. Repose-toi bien, et guéris vite. » La petite fille acquiesça à peine à travers ses yeux à demi fermés. « D'accord Frère. Je t'en prie fais attention à toi . » Le garçon se contenta de sourire et quitta la pièce après un dernier regard empreint de tendresse pour la petite fille aux cheveux blonds. Une fois qu'il mit le pied en dehors de la petite structure misérable qui servait d'habitat, l'expression chaleureuse de son visage laissa place au masque de glace qu'il arborait lorsque confronté au reste du monde. L'autre visage, celui bienveillant et aimant n'était réservé qu'à la seule personne qu'il s'était juré de protéger et de chérir. Sa seule famille. Ses petits pieds nus le ramenèrent jusqu'à la masure de la Vieille Sorcière où sans aucun doute, une douleur indicible l'attendait patiemment. Ses suspicions se révélèrent complètement avérées. * * * Lieu : Ville sans nom - Date : 30 Octobre 1986 (tard dans la nuit) La Balafre se releva brusquement avec un cri silencieux étouffé dans sa gorge. Son corps entier était parcouru de spasmes et tremblait alors que la sueur collait à sa peau. Ce cauchemar l'avait encore réveillé. C'était la troisième nuit d'affilée que cela se produisait mais cette fois il avait semblé encore plus réel, plus intense que les fois dernières. Il ne pouvait pas s'en rappeler de manière exacte. La seule chose claire dans sa tête était les deux mots prononcés par une voix glacée et un flash de lumière vert. Malgré le fait que ce n'était qu'un simple cauchemar, il se sentait absolument terrifié. Plus encore, une chose continuait de le troubler même après s'être éveillé. Ses sens acérés se concentrèrent sur ses alentours, à la recherche de la source de son mal-être. Quel était ce sentiment? C'était comme si quelqu'un l'appelait d'une voix silencieuse. Quel était ce sentiment de constriction qui étreignait sa poitrine, comme un lion en cage prêt à jaillir des barreaux de sa prison ? La Balafre adopta une posture assise sur son 'lit' et rechercha des yeux l'unique chambre du bâtiment. Il avait une très mauvaise vue et dans les ténèbres de la nuit, il ne pouvait rien déceler qui sortait de l'ordinaire. Sa tante continuait de dormir de l'autre côté de la pièce du sommeil du juste. Cependant quelque chose clochait, ses instincts ne lui avaient jamais fait défaut de par le passé. Il se leva et suivit la direction que son cœur lui indiquait. Alors qu'il s'approchait d'un placard le sentiment qui étreignait sa poitrine se mit à la marteler sans ménagement. Quoi que fût la chose qui l'appelait ainsi, elle se trouvait à l'intérieur. Prudemment, il ouvrit le placard. Là, parmi le bric-à-brac et autres ingrédients de potion, reposait un bâton en bois d'if. 'Non, pas un bâton. Une baguette. ' pensa La Balafre. Il avait déjà vu une baguette auparavant. Pas beaucoup cependant. C'était l'instrument par lequel des Nés-Sorciers comme lui extériorisaient la magie de leur corps pour en faire ce qu'ils voulaient. Et cette baguette…l'appelait…lui ? Avec hésitation, presque avec crainte, La Balafre s'empara de la baguette avec sa main droite. Une montée de puissante, de l'acceptation, et de l'amour parcoururent la baguette et se frayèrent un chemin jusqu'à son cœur où son Cœur Magique se situait. Il ne put réprimer le cri perçant qu'il produisit alors que les divers sentiments se répandaient en lui, le revitalisant, l'emplissant et le complétant pour la toute première fois. Sa Magie vrombissait à ses oreilles en parfaite harmonie avec la baguette qu'il tenait dans sa main. Le sentiment était si puissant et si écrasant qu'il ne remarqua pas les mouvements derrière lui. « Qu'es-tu en train de faire, mon garçon ? » demanda la vieille sorcière d'une voix dure. Effrayé, La Balafre fit volte-face, en pointant inconsciemment la baguette en direction de la menace perçue. Le bout de la baguette luisit d'une vive lumière verte de la même couleur que ce dont il avait rêvé. Deux mots résonnèrent dans sa tête. Ils étaient presque parvenus à ses lèvres lorsque la femme qui n'avait à aucun moment décroché son regard de la baguette, reprit la parole et le fit sortir de sa transe. « Ainsi donc tu l'as trouvée, hein ? » demanda-t-elle d'un ton rhétorique. Elle ne semblait pas du tout surprise de le voir brandir cette baguette. « Je…je…je suis désolé ma tante. Je me suis juste levé et j'ai senti cette baguette m'appeler et… » « Tout va bien. » le coupa-t-elle. « Elle était à toi pour commencer, de toute façon. » acheva-t-elle. « A-a moi… ? » balbutia-t-il. « Oui. A toi. Tu la tenais fermement dans ta main la nuit où je t'ai trouvé. Je n'avais jamais vu une baguette donner son allégeance à un garçon aussi jeune auparavant, mais il faut dire que les circonstances étaient loin d'être ordinaires. » « Que voulez-vous dire ? » La vieille se contenta de rire, d'un ton sec et caverneux. « Des questions, encore des questions, toujours des questions. Repose-les moi au matin et je serais peut-être d'humeur à y répondre. Retourne te coucher à présent. Demain sera un jour éprouvant pour toi. » « Hum ? Pourquoi ? Je pensais que nous n'avions rien à délivrer jusqu'à la semaine prochaine ? » « Qui t'a parlé de travail, mon garçon ? Je parle de tes leçons. Ou peut-être ne souhaites-tu pas apprendre à utiliser cette baguette sans t'amputer d'un membre ? » Une demie seconde plus tard et La Balafre était sous ses couvertures. La vieille femme se contenta de pouffer et retourna se coucher à son tour. Une journée des plus éprouvantes les attendait assurément le lendemain. Juste avant de s'endormir, elle se demanda brièvement si elle n'était pas sur le point de faire du garçon un instrument de sa propre fin. A cela elle se borna à hausser les épaules. Après tout, qu'était la vie sans quelques risques ? * * * Lieu : Ville sans nom - Date : 26 Décembre 1986 Les jours et les semaines avaient défilé à un rythme effréné depuis que La Balafre avait commencé à apprendre sous la férule de la vieille. Il ne l'avait jamais considérée comme une femme inoffensive. Elle s'était assurée de faire sortir cette considération hors de lui à coups soigneusement appliqués de sa canne avant même qu'il puisse marcher. Il n'en demeurait cependant pas moins que ses connaissances sur les poisons, les maléfices, les sorts, les malédictions ainsi que les différentes façons d'invalider, de torturer, d'amputer et de tuer un ennemi ouvrirent un tout nouvel horizon au jeune garçon quant à la dangerosité et l'effroi que suscitait en lui la vieille femme. Comment avait-il réussi à lui survivre toutes ces années durant, était une chose qui lui échappait complètement. Elle était très exhaustive dans son enseignement. Le relâchement et les erreurs étaient comme il se devait vivement et bien sûr douloureusement découragés. Non pas qu'il lui donnât beaucoup de raisons de le punir, en premier lieu. En tant qu'élève, il était irréprochable. Concentré, déterminé et réceptif. Une grande ambition brûlait en lui ainsi qu'une grande soif de connaissances. Depuis qu'elle lui avait raconté qu'elle l'avait découvert, il était devenu déterminé à découvrir les raisons de sa présence en cet endroit. La Balafre n'avait rien d'un idiot et il ne lui fallut pas plus de cinq minutes pour faire le lien entre son apparition et la manifestation de magie qui avait posé les fondations de cette ville décadente. Cela n'avait été qu'une affaire de comparaison de calendriers qui pouvaient être trouvés assez aisément dans cet endroit. Bien sûr, il n'était pas assez stupide pour aller courir dans la rue et crier à la ronde sans implication dans les évènements de cette fameuse nuit. Il n'avait aucune intention de devenir le dernier cobaye en date d'une communauté de savants qui étudiaient le sujet. Mais cela ne voulait pas dire qu'il n'allait pas garder un œil ouvert. Peut-être pourrait-il se faufiler dans la maison de l'un des chercheurs et emprunter quelques tomes de leur bibliothèque. Au pire des cas, il pourrait gagner une connaissance pouvant s'avérer utile dans d'autres matières. En suivant l'avis de la vieille, il avait commencé à passer plus de temps dans la partie la plus respectable de la ville, celle des chercheurs. Cela n'avait pas requis beaucoup de temps pour que quelques sorciers en viennent à le solliciter pour ses services de garçon coursier. Bien sûr, s'il avait demandé de but en blanc d'entrer dans leur maison pour tout paiement, ils auraient simplement refusé. Il se devait de gagner un minimum de confiance avant de se risquer à proposer ce genre de marché. Il continuait de passer du temps avec sa sœur à chaque moment libre de ses journées. Elle commença à aller mieux après avoir pris les potions qu'il lui avait données mais la petite fille frêle et chétive avait besoin de davantage de cette médication et il n'avait que très peu de moyens pour s'en procurer. Ses escapades vers le Manoir derrière la Colline devinrent hebdomadaires. Le dégoût initial se mut en une morne apathie après le premier mois. Le sorcier d'âge mûr à l'appétence condamnable pour les petits garçons ne tarda pas à impliquer sa femme au cours de ses jeux tortueux. A chaque fois qu'il sortait du Manoir, La Balafre se sentait un peu moins humain et son dégoût pour sa race n'en grandissait qu'exponentiellement. Mais il ne pouvait pas se permettre d'arrêter. Il devait obtenir ces potions. La Dragoncelle n'était pas un mal qu'il était aisé de guérir dans cette ville viciée. Peu importe à quel point il devrait se souiller pour atteindre son but, il la guérirait. Ils étaient ensemble depuis maintenant deux ans, depuis le jour où il l'avait trouvée sous une pluie d'automne. Comme lui, elle n'avait pas de nom, ni aucune famille. Tous deux n'avaient aucun souvenir de leurs parents, et ils devinrent vite aussi proches que de vrais frère et sœur. D'une manière qu'il ne s'expliquait pas, ce sentiment fraternel lui semblait très familier et il n'avait aucune peine à agir comme un grand frère protecteur. Tous ses souvenirs les plus heureux avaient sa sœur comme clé de voûte. Même sa magie n'avait d'autre but que de la faire sourire. Le jour où il lui avait montrée l'enchantement de Lévitation, elle n'avait pas pu supprimer l'émerveillement de ses yeux avant de longues heures. Cette expression de pure joie et de ravissement dont elle l'avait gracié, l'avait payé de tous les châtiments auxquels il avait été soumis à chaque fois qu'il avait échoué à exécuter l'incantation. Il n'allait certainement pas laisser la seule lumière de son existence s'éteindre parce qu'il se serait montré difficile quant aux moyens d'obtenir de l'argent. Il la guérirait et il la protègerait. De tout et par tous les moyens nécessaires. Il lui fallut attendre jusqu'à la fin du mois de Décembre pour se voir accorder l'accès à la bibliothèque d'un vieil homme. Un sorcier nommé Aloysius. Il avait dû pour cela aller récolter des ingrédients de potion à un endroit de la forêt où personne ne désirait se risquer. En plein milieu du territoire des Trolls. La Balafre avait haussé les épaules, s'y était rendu, avait cueilli les herbes et était revenu en moins de deux heures à la plus grande surprise du vieux sorcier. L'homme lui avait ainsi accordé l'accès illimité à sa bibliothèque en échange d'une livraison hebdomadaire de ces plantes. Pour la Balafre, cela ne posait aucun problème puisqu'il se rendait en cet endroit au moins une fois par semaine d'ordinaire. Cela lui facilitait même ses escapades chez les Trolls afin de continuer d'apprendre de leur culture. Lentement mais sûrement il continuait d'en apprendre sur toutes sortes de magies, mais aussi sur l'histoire, à la fois du point de vue des Sorciers mais aussi celui des Trolls. Dire que les évènements ne concordaient pas eut été un euphémisme à tous les niveaux. Mais il en vint vite à comprendre que l'histoire 'officielle' était écrite par les vainqueurs qui se trouvaient sans coup férir être les gentils. Cela considéré, il ne devenait dès lors plus étonnant qu'aucun Seigneur des Ténèbres ne l'ait jamais emporté ou ait régné bien longtemps. Le terme 'ténèbres' était devenu un mot de plus dont le sens était utilisé avec beaucoup de largesse. Durant le millénaire passé seuls quelques individus avaient pu se targuer de porter simultanément le titre de Seigneur des Ténèbres et celui de Seigneur de la Lumière selon la personne qui décrivait ledit individu. Dans la bibliothèque d'Aloysus il avait découvert au moins trois personnes détenant les deux titres. Salazar Serpentard, Godric Gryffondor et Gellert Grindelwald. Bien évidemment il était fort possible qu'il y en ait eu d'autres, mais dans cette bibliothèque seuls ces trois-là disposaient de livres les mentionnant sous deux jours diamétralement opposés. Ils étaient probablement aussi les personnages les plus célèbres de l'histoire de la Magie d'Europe. En gardant cela dans un coin de sa tête, il se demanda si ce Dumbledore, qui contrôlait à présent toutes les choses au Royaume-Uni, se serait aussi vu affubler du titre de Seigneur des Ténèbres s'il avait perdu la guerre contre Grindelwald. Sans parler de ce Voldemort. Enfin, peut-être cet homme ne pouvait-il pas être considéré comme charmant si ces exactions envers les Moldus et les Nés-Moldus constituaient une quelconque indication. Mais les guerres étaient remportées en versant le sang des innocents plutôt que celui des combattants. Qui sait si le Seigneur des Ténèbres insurgé n'aurait pas été acclamé comme un Seigneur de la Lumière si sa révolte n'avait pas été jugulée par le hocus-pocus de ce Garçon-Qui-a-Survécu ? Cela donnait à réfléchir comme bien d'autres choses de ce monde qu'il apprenait chaque jour. Après trois mois d'études et d'entraînement avec la vieille, La Balafre était devenu un combattant acceptable et pouvait se targuer d'être en mesure de survivre à un combat. Assez longtemps pour prendre la fuite, en tout cas. Finalement, grâce à sa maîtrise nouvellement acquise de la magie, il pouvait arrêter de faire ces…choses en échange de ces potions à la valeur inestimable et se mettre à travailler pour des salaires bien plus intéressants en ville. Il ne lui restait plus qu'une nuit à passer au service de cet homme avant de tourner définitivement la page et de commencer une vie meilleure. Mais comme souvent dans ce genre de cas la nuit devait se faire la plus sombre possible avant que la lumière du petit matin ne puisse éclairer une nouvelle aube. Le pauvre petit garçon n'avait aucune idée de la destinée qu'il empruntait tandis qu'il se dirigeait vers le Manoir derrière la Colline. Plus tard il se souviendrait de cette nuit comme étant à la fois la pire mais aussi la meilleure de sa vie. La nuit où tout changea. Une fois de plus.