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Retourner à: Harry Potter » L'ascension du réprouvé -Tome 1: L'enfant disparu

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Lieu : Ville sans nom - Date : 27 Septembre 1986

Le petit garçon connu sous le sobriquet de La Balafre émergea des sombres profondeurs de la forêt bien après l'aurore. La douce brise matinale qui soufflait constitua un maigre réconfort pour son corps endolori. Les cicatrices qui marbraient son dos s'étaient rouvertes et les soins hasardeux qu'il avait reçus au domicile de l'homme étaient bien loin de s'acquitter de leur office apaisant. Tout particulièrement après les activités de la nuit passée. Il se sentait sale et souillé d'une manière telle qu'aucun petit garçon ne devrait avoir à expérimenter. Le contact n'était jamais devenu abusif ni même violent. Cela ne faisait de mal à personne, n'est-ce pas ?

La Balafre était bien loin de partager cet avis. Il haïssait cela. Cette façon dont il l'enjoignait à le toucher. Il se sentait mourir toujours un peu plus à chaque fois qu'il le faisait, mais le fait était qu'il ne jouissait en aucune façon de ce luxe utopique qu'était la possibilité d'avoir le choix. Il était bien trop petit pour gagner de l'argent d'une autre façon et faire les courses ainsi que commettre quelques vols de-ci de-là constituaient des moyens de revenus bien limités.

Il lui était impossible d'obtenir la potion rare dont il avait besoin d'une autre façon. La vieille sorcière qui l'avait élevé, ne savait pas en préparer, non pas qu'elle le ferait si cela lui était possible. Elle l'avait élevé par simple curiosité en premier lieu, puis comme garçon de courses dès qu'il avait appris à se tenir sur ses jambes. Elle n'avait rien d'un parent et, en aucun cas, elle ne se donnerait du mal pour l'aider. Le mieux qu'il pouvait espérer d'elle était un peu de pain rassis pour toute nourriture, un toit perforé au-dessus de la tête pour tout refuge et un fameux coup de fouet pour toute erreur qu'il avait le malheur de commettre. Comme celui qui l'attendait en rentrant.

Il avait passé la nuit dans ce Manoir de son propre chef et il n'allait pas en partager les profits avec elle. Elle ne le faisait pas pour lui, alors il ne le ferait certainement pas pour elle. Par ailleurs, si jamais elle avait vent du genre de 'services' qu'il procurait, il était certain qu'elle le forcerait à travailler dans cette voie pour son propre gain. C'était certainement la dernière chose qu'il désirait. Il faisait ces…choses dégoûtantes pour une raison. Une raison en dehors de lui-même.

En marchant sur le chemin boueux, il trébucha subitement et tomba face la première. Ses mains agrippèrent instinctivement son sac afin d'en protéger le contenu au lieu de les brandir devant lui pour amortir sa chute. Son visage heurta le sol avec un bruit d'éclaboussure. Pendant un moment, il ne sembla pas réagir, puis il entreprit de déposer délicatement le sac au sol avant d'utiliser ses mains libres pour se relever. Il essuya la boue de son visage avec le revers e sa main et pendant un instant il demeura sur ses genoux à considérer toute la misère que représentait son existence. Il se sentait une envie difficilement contenue de sangloter.

Malheureusement, il avait appris très vite que les larmes n'étaient bonnes qu'à faire remarquer davantage votre faiblesse actuelle.

Non, il ne pleurerait pas. Il ne pouvait pas pleurer.

Les larmes étaient la marque infamante des faibles et les faibles mourraient très vite. Il ne pouvait se permettre de succomber. Il avait une raison qui expliquait ses actes. Il avait une raison qui le poussait à continuer. Une raison de vivre. Une raison qui l'attendait dans ce recoin putride du monde qui l'avait vu s'éveiller à la vie.

Il se remit difficilement sur ses pieds et reprit sa marche. A cette allure, cela lui prendrait au moins quelques heures pour rentrer.

Il traversa la forêt d'un pas assuré, comme si elle était son aire de jeu…et d'une certaine manière c'était le cas. Les créatures de la forêt n'avaient jamais semblé constituer une menace pour lui. Même les plus imposants d'entre elles se bornaient à ignorer sa présence.

Bien sûr, les réactions variaient selon les espèces.

Les oiseaux le considéraient comme un prédateur et prenaient soin de garder leurs distances. Seuls les hiboux n'éprouvaient aucune crainte en sa présence, mais ils étaient connus pour être une espèce avienne magique, aussi était-il compréhensible qu'ils ne fuient pas le sorcier qu'il était.

Les loups étaient accommodants du moment que vous ne menaciez pas leur territoire et ils vivaient au plus profond de la forêt loin des installations humaines.

Les loups-garous n'étaient une espèce dangereuse que lors de la pleine lune. Par ailleurs, ils avaient assez de bon sens pour ne pas attaquer un lieu où des centaines de sorciers et sorcières ainsi que vampires vivaient. Ils agissaient en concordance avec leur instinct au cours de leur transformation et la ville exhalait des relents de dangers mortels que la meute pouvait sentir de loin. L'instinct de survie ne trahissait jamais.

Enfin il y avait les Trolls, qui étaient connus pour être énormes, lents et stupides, sans compter qu'on pouvait les sentir à une lieue à la ronde. Ce n'était donc pas très difficile de les éviter dans cette forêt spacieuse. Par ailleurs, même si La Balafre avait le malheur de les croiser, il savait exactement comment s'occuper d'eux.

Les Trolls étaient des créatures…grandement incomprises. En raison de leur manque d'intellect, ils avaient développé une agressivité peu commune envers tout ce qu'ils considéraient comme étant un danger ou de la nourriture. L'astuce pour survivre une rencontre avec un spécimen de cet espèce résidait donc dans le fait des amener à comprendre que vous ne faisiez partie d'aucune de ces deux catégories. La taille de La Balafre le rendait difficilement reléguable au rang de menace, et parce qu'il était aussi malodorant qu'un Troll, il était la plupart du temps pris pour l'un de leur petit et était autorisé à déambuler parmi eux sans qu'aucun mal ne lui soit fait.

La Balafre passait beaucoup de temps parmi eux et avait appris beaucoup de choses sur leur race. Les Trolls, bien que peu intelligents, compensaient leur manque individuel d'intellect en travaillant dans un effort commun. Les sociétés Trolles étaient structurées de façon assez simple, avec un unique chef bénéficiant d'un petit clan de guerrier pour tout entourage tandis que les autres étaient soit chasseurs, soit des femelles gravides ou des enfants.

Les femelles étaient les dépositaires de la culture Trolle. En effet, les Trolls disposaient bel et bien de légendes et de contes qui étaient transmis oralement aux générations futures. Certes leur narration était défaillante au même titre que leur vocabulaire, mais beaucoup d'informations pouvaient être glanées en s'asseyant parmi leurs assemblées et en les écoutant. Les Trolls avaient été les témoins privilégiés de la majorité des guerres entre les différents peuples magiques et auxquelles ils s'étaient bien gardés de participer vu qu'ils n'avaient jamais rien eu à y gagner excepté le fait de devenir de la chair à canon pour l'une ou l'autre des forces en présence. Non, les Trolls restaient dans leur coin, observaient et apprenaient.

Il apprit de nombreuses choses sur la misère qui étouffait le monde. Il apprit ce qu'était la folie des hommes et tout ce qu'elle pouvait détruire dans son sillage. Il apprit leurs erreurs sans cesse répétées. Il apprit l'histoire de sociétés qui s'élevaient et chutaient en raison de leur cupidité et de leurs peurs.

Il apprit l'histoire de races depuis longtemps éteintes. Comme les Longues Oreilles, comme les Trolls se plaisaient à les nommer, qui avaient quitté ce plan d'existence pour un autre à l'issue de la guerre mémorable connue sous le nom de la Guerre de la Déchirure qui avait éclatée il y a de cela deux millénaires.

Il en apprit aussi sur le peuple des Fées qui s'était réfugié sur l'île dans laquelle il s'était murmuré que le dernier Roi Elu des hommes s'était rendu après sa mort. Quelques Trolls Anciens pensaient que c'était un seul et même endroit, mais il leur était impossible de le vérifier. Non pas qu'ils y accordassent une quelconque importance, d'ailleurs. L'île était supposée être une Terre que seuls ceux qui n'abandonnaient pas leurs rêves pouvaient atteindre. Arabon ? Abaron ? Non, Avalon. Oui, c'était là le dernier nom qu'on avait attribué à cet endroit.

Il apprit et il fut dégoûté. Mises à part quelques exceptions, comme le Roi des Chevaliers et son entourage, l'humanité -malgré toute sa prétendue intelligence supérieure - était incapable de maintenir un semblant de stabilité pendant plus de quelques siècles et ce, non sans un grand nombre de conflits. Comparés à eux, les Trolls étaient une société dont la stabilité se comptait en millénaire. Pas si mal pour la plus stupide des races, non ?

La Balafre écoutait et apprenait. Il était un sorcier, il le savait déjà quelques cas de magie accidentelle et de magie bien moins accidentelle s'étaient fait fort de le prouver. Il était un sorcier et il voulait savoir. Il était sale et était vêtu de haillons mais il avait foi en le fait qu'il pouvait accomplir n'importe quoi pour peu qu'il s'en donnât la peine. Il avait survécu jusqu'à présent dans cet environnement des plus hostiles. Cela seul servait à prouver sa force. Il savait que ce serait difficile mais il quitterait un jour ou l'autre cet endroit maudit et il forgerait son propre chemin dans le monde, tout comme ceux avant lui l'avaient fait.

Sans jamais abandonner, ni jamais reculer.


Absorbé comme il l'était dans ses réminiscences, il arriva à la ville sans même s'en rendre compte. Il aurait dû rentrer chez lui immédiatement mais il était plus que conscient que s'il le faisait, il ne serait plus en mesure de se mouvoir pendant un certain moment. Ce fut donc en connaissance de cause qu'il tourna à un angle et continua son chemin vers une autre partie de la ville en se déplaçant à travers les différents établissements miteux qui ne tenaient encore debout que par un usage intensif de magie. Assez vite, ses pieds le menèrent à destination. Une petite baraque sans porte. Juste quatre murs et un toit plat.

Il entra à l'intérieur où sa famille l'attendait.

« Frère… » l'accueillit une voix affaiblie depuis un coin sombre de la pièce. La Balafre se dirigea vers cet endroit où une petite fille aux cheveux blonds reposait sur de méchantes planches de bois recouvertes de peaux d'animaux. La chose se rapprochant le plus d'un lit qu'il avait été en moyen de se procurer pour elle. « Tu es de retour. *touss* J'étais inquiète pour toi. » souffla la petite fille aux saisissants yeux bleus qui le regardaient avec tendresse.

« Désolé, sœurette. J'ai été très occupé dernièrement. Comment te sens-tu aujourd'hui ? As-tu mangé quelque chose ? »demanda La Balafre à la fille manifestement très malade. La petite fille hocha faiblement la tête.

« Oui mon Frère. Je me sens un peu mieux aujourd'hui merci. Et oui j'ai mangé le pain que tu m'as laissé hier. Il n'était pas infesté du tout. » Mais il était manifeste qu'elle mentait, du moins pour la première partie. Elle ne paraissait aller nullement mieux que la veille.

« Je vois, c'est très bien. Quoi qu'il en soit j'ai réussi à me procurer ces potions dont le guérisseur a dit que tu avais besoin pour aller mieux. » La fille parut stupéfaite. Ces potions étaient rares en des lieux tels que celui-ci et par conséquent ils en étaient d'autant plus coûteux. Avec autant d'argent, La Balafre aurait pu s'acheter un mois entier de vivres.

« Comment ? *touss* Frère tu n'avais pas besoin de faire ça. S'il-te-plaît ramène-les ou échange-les contre de l'argent. Je me sens déjà mieux. » La Balafre se contenta de sourire devant le pieux mensonge de sa sœur.

« Tu ne mens pas mieux que la dernière fois où tu as essayé Sœur. Viens, maintenant. Je me suis donné beaucoup de mal pour les obtenir. Tu as intérêt à les boire tout de suite ou sinon… »

Sa sœur eut un soupir résigné. Son frère pouvait déceler ses mensonges sans coup férir. Il n'y avait aucune chance qu'il se laisse avoir ainsi. Elle n'avait pas d'autre choix que de faire ce qu'il disait même si elle n'appréciait pas le fait qu'il se donnât autant de mal pour elle.

Elle but la potion au goût amer sous le regard aimant de son frère.

Frère et Sœur.

Ils n'avaient aucun nom qu'ils pouvaient revendiquer comme le leur, si ce n'était ceux-là. Ils n'étaient que deux êtres sans lien de parenté qui s'étaient attachés l'un à l'autre à la recherche d'un support dans un monde froid et cruel. S'ils s'étaient rencontrés à un âge plus avancé, ils seraient peut-être devenus amants, mais dans leur jeune naïveté ils n'en comprenaient même pas la notion. Enfin, peut-être ne le pouvait-elle pas. Lui, d'un autre côté, n'était que trop familier de la chose et pour autant qu'il était concerné, cela n'était en rien plaisant.

Finalement, elle termina la dernière fiole et retourna sous ses minces couvertures.

« Les potions devraient te rendre somnolente. Assure-toi de bien manger avant de dormir, d'accord ? Je dois y aller à présent. Avec un peu de chance, je serai de retour dans quelques jours. Si tu as besoin de quoi que ce soit, demande à la vieille dame dans la cabane d'à-côté d'envoyer quelqu'un me chercher. Repose-toi bien, et guéris vite. » La petite fille acquiesça à peine à travers ses yeux à demi fermés.

« D'accord Frère. Je t'en prie fais attention à toi. » Le garçon se contenta de sourire et quitta la pièce après un dernier regard empreint de tendresse pour la petite fille aux cheveux blonds.

Une fois qu'il mit le pied en dehors de la petite structure misérable qui servait d'habitat, l'expression chaleureuse de son visage laissa place au masque de glace qu'il arborait lorsque confronté au reste du monde. L'autre visage, celui bienveillant et aimant n'était réservé qu'à la seule personne qu'il s'était juré de protéger et de chérir. Sa seule famille.

Ses petits pieds nus le ramenèrent jusqu'à la masure de la Vieille Sorcière où sans aucun doute, une douleur indicible l'attendait patiemment. Ses suspicions se révélèrent complètement avérées.


Lieu : Ville sans nom - Date : 30 Octobre 1986 (tard dans la nuit)

La Balafre se releva brusquement avec un cri silencieux étouffé dans sa gorge. Son corps entier était parcouru de spasmes et tremblait alors que la sueur collait à sa peau. Ce cauchemar l'avait encore réveillé. C'était la troisième nuit d'affilée que cela se produisait mais cette fois il avait semblé encore plus réel, plus intense que les fois dernières. Il ne pouvait pas s'en rappeler de manière exacte. La seule chose claire dans sa tête était les deux mots prononcés par une voix glacée et un flash de lumière vert.

Malgré le fait que ce n'était qu'un simple cauchemar, il se sentait absolument terrifié. Plus encore, une chose continuait de le troubler même après s'être éveillé. Ses sens acérés se concentrèrent sur ses alentours, à la recherche de la source de son mal-être. Quel était ce sentiment? C'était comme si quelqu'un l'appelait d'une voix silencieuse. Quel était ce sentiment de constriction qui étreignait sa poitrine, comme un lion en cage prêt à jaillir des barreaux de sa prison ?

La Balafre adopta une posture assise sur son 'lit' et rechercha des yeux l'unique chambre du bâtiment. Il avait une très mauvaise vue et dans les ténèbres de la nuit, il ne pouvait rien déceler qui sortait de l'ordinaire. Sa tante continuait de dormir de l'autre côté de la pièce du sommeil du juste. Cependant quelque chose clochait, ses instincts ne lui avaient jamais fait défaut de par le passé.

Il se leva et suivit la direction que son cœur lui indiquait. Alors qu'il s'approchait d'un placard le sentiment qui étreignait sa poitrine se mit à la marteler sans ménagement. Quoi que fût la chose qui l'appelait ainsi, elle se trouvait à l'intérieur. Prudemment, il ouvrit le placard. Là, parmi le bric-à-brac et autres ingrédients de potion, reposait un bâton en bois d'if.

'Non, pas un bâton. Une baguette. ' pensa La Balafre. Il avait déjà vu une baguette auparavant. Pas beaucoup cependant. C'était l'instrument par lequel des Nés-Sorciers comme lui extériorisaient la magie de leur corps pour en faire ce qu'ils voulaient.

Et cette baguette…l'appelait…lui ?

Avec hésitation, presque avec crainte, La Balafre s'empara de la baguette avec sa main droite. Une montée de puissante, de l'acceptation, et de l'amour parcoururent la baguette et se frayèrent un chemin jusqu'à son cœur où son Cœur Magique se situait. Il ne put réprimer le cri perçant qu'il produisit alors que les divers sentiments se répandaient en lui, le revitalisant, l'emplissant et le complétant pour la toute première fois. Sa Magie vrombissait à ses oreilles en parfaite harmonie avec la baguette qu'il tenait dans sa main. Le sentiment était si puissant et si écrasant qu'il ne remarqua pas les mouvements derrière lui.

« Qu'es-tu en train de faire, mon garçon ? » demanda la vieille sorcière d'une voix dure.

Effrayé, La Balafre fit volte-face, en pointant inconsciemment la baguette en direction de la menace perçue. Le bout de la baguette luisit d'une vive lumière verte de la même couleur que ce dont il avait rêvé. Deux mots résonnèrent dans sa tête. Ils étaient presque parvenus à ses lèvres lorsque la femme qui n'avait à aucun moment décroché son regard de la baguette, reprit la parole et le fit sortir de sa transe.

« Ainsi donc tu l'as trouvée, hein ? » demanda-t-elle d'un ton rhétorique. Elle ne semblait pas du tout surprise de le voir brandir cette baguette.

« Je…je…je suis désolé ma tante. Je me suis juste levé et j'ai senti cette baguette m'appeler et… »

« Tout va bien. » le coupa-t-elle. « Elle était à toi pour commencer, de toute façon. » acheva-t-elle.

« A-a moi… ? » balbutia-t-il.

« Oui. A toi. Tu la tenais fermement dans ta main la nuit où je t'ai trouvé. Je n'avais jamais vu une baguette donner son allégeance à un garçon aussi jeune auparavant, mais il faut dire que les circonstances étaient loin d'être ordinaires. »

« Que voulez-vous dire ? » La vieille se contenta de rire, d'un ton sec et caverneux.

« Des questions, encore des questions, toujours des questions. Repose-les moi au matin et je serais peut-être d'humeur à y répondre. Retourne te coucher à présent. Demain sera un jour éprouvant pour toi. »

« Hum ? Pourquoi ? Je pensais que nous n'avions rien à délivrer jusqu'à la semaine prochaine ? »

« Qui t'a parlé de travail, mon garçon ? Je parle de tes leçons. Ou peut-être ne souhaites-tu pas apprendre à utiliser cette baguette sans t'amputer d'un membre ? »

Une demie seconde plus tard et La Balafre était sous ses couvertures. La vieille femme se contenta de pouffer et retourna se coucher à son tour. Une journée des plus éprouvantes les attendait assurément le lendemain.

Juste avant de s'endormir, elle se demanda brièvement si elle n'était pas sur le point de faire du garçon un instrument de sa propre fin. A cela elle se borna à hausser les épaules. Après tout, qu'était la vie sans quelques risques ?


Lieu : Ville sans nom - Date : 26 Décembre 1986

Les jours et les semaines avaient défilé à un rythme effréné depuis que La Balafre avait commencé à apprendre sous la férule de la vieille.

Il ne l'avait jamais considérée comme une femme inoffensive. Elle s'était assurée de faire sortir cette considération hors de lui à coups soigneusement appliqués de sa canne avant même qu'il puisse marcher. Il n'en demeurait cependant pas moins que ses connaissances sur les poisons, les maléfices, les sorts, les malédictions ainsi que les différentes façons d'invalider, de torturer, d'amputer et de tuer un ennemi ouvrirent un tout nouvel horizon au jeune garçon quant à la dangerosité et l'effroi que suscitait en lui la vieille femme. Comment avait-il réussi à lui survivre toutes ces années durant, était une chose qui lui échappait complètement.

Elle était très exhaustive dans son enseignement. Le relâchement et les erreurs étaient comme il se devait vivement et bien sûr douloureusement découragés. Non pas qu'il lui donnât beaucoup de raisons de le punir, en premier lieu. En tant qu'élève, il était irréprochable. Concentré, déterminé et réceptif. Une grande ambition brûlait en lui ainsi qu'une grande soif de connaissances. Depuis qu'elle lui avait raconté qu'elle l'avait découvert, il était devenu déterminé à découvrir les raisons de sa présence en cet endroit.

La Balafre n'avait rien d'un idiot et il ne lui fallut pas plus de cinq minutes pour faire le lien entre son apparition et la manifestation de magie qui avait posé les fondations de cette ville décadente. Cela n'avait été qu'une affaire de comparaison de calendriers qui pouvaient être trouvés assez aisément dans cet endroit.

Bien sûr, il n'était pas assez stupide pour aller courir dans la rue et crier à la ronde sans implication dans les évènements de cette fameuse nuit. Il n'avait aucune intention de devenir le dernier cobaye en date d'une communauté de savants qui étudiaient le sujet. Mais cela ne voulait pas dire qu'il n'allait pas garder un œil ouvert. Peut-être pourrait-il se faufiler dans la maison de l'un des chercheurs et emprunter quelques tomes de leur bibliothèque. Au pire des cas, il pourrait gagner une connaissance pouvant s'avérer utile dans d'autres matières.

En suivant l'avis de la vieille, il avait commencé à passer plus de temps dans la partie la plus respectable de la ville, celle des chercheurs. Cela n'avait pas requis beaucoup de temps pour que quelques sorciers en viennent à le solliciter pour ses services de garçon coursier. Bien sûr, s'il avait demandé de but en blanc d'entrer dans leur maison pour tout paiement, ils auraient simplement refusé. Il se devait de gagner un minimum de confiance avant de se risquer à proposer ce genre de marché.

Il continuait de passer du temps avec sa sœur à chaque moment libre de ses journées. Elle commença à aller mieux après avoir pris les potions qu'il lui avait données mais la petite fille frêle et chétive avait besoin de davantage de cette médication et il n'avait que très peu de moyens pour s'en procurer. Ses escapades vers le Manoir derrière la Colline devinrent hebdomadaires. Le dégoût initial se mut en une morne apathie après le premier mois. Le sorcier d'âge mûr à l'appétence condamnable pour les petits garçons ne tarda pas à impliquer sa femme au cours de ses jeux tortueux.

A chaque fois qu'il sortait du Manoir, La Balafre se sentait un peu moins humain et son dégoût pour sa race n'en grandissait qu'exponentiellement. Mais il ne pouvait pas se permettre d'arrêter. Il devait obtenir ces potions. La Dragoncelle n'était pas un mal qu'il était aisé de guérir dans cette ville viciée. Peu importe à quel point il devrait se souiller pour atteindre son but, il la guérirait.

Ils étaient ensemble depuis maintenant deux ans, depuis le jour où il l'avait trouvée sous une pluie d'automne. Comme lui, elle n'avait pas de nom, ni aucune famille. Tous deux n'avaient aucun souvenir de leurs parents, et ils devinrent vite aussi proches que de vrais frère et sœur. D'une manière qu'il ne s'expliquait pas, ce sentiment fraternel lui semblait très familier et il n'avait aucune peine à agir comme un grand frère protecteur.

Tous ses souvenirs les plus heureux avaient sa sœur comme clé de voûte. Même sa magie n'avait d'autre but que de la faire sourire. Le jour où il lui avait montrée l'enchantement de Lévitation, elle n'avait pas pu supprimer l'émerveillement de ses yeux avant de longues heures. Cette expression de pure joie et de ravissement dont elle l'avait gracié, l'avait payé de tous les châtiments auxquels il avait été soumis à chaque fois qu'il avait échoué à exécuter l'incantation.

Il n'allait certainement pas laisser la seule lumière de son existence s'éteindre parce qu'il se serait montré difficile quant aux moyens d'obtenir de l'argent.

Il la guérirait et il la protègerait. De tout et par tous les moyens nécessaires.

Il lui fallut attendre jusqu'à la fin du mois de Décembre pour se voir accorder l'accès à la bibliothèque d'un vieil homme. Un sorcier nommé Aloysius. Il avait dû pour cela aller récolter des ingrédients de potion à un endroit de la forêt où personne ne désirait se risquer. En plein milieu du territoire des Trolls. La Balafre avait haussé les épaules, s'y était rendu, avait cueilli les herbes et était revenu en moins de deux heures à la plus grande surprise du vieux sorcier. L'homme lui avait ainsi accordé l'accès illimité à sa bibliothèque en échange d'une livraison hebdomadaire de ces plantes. Pour la Balafre, cela ne posait aucun problème puisqu'il se rendait en cet endroit au moins une fois par semaine d'ordinaire. Cela lui facilitait même ses escapades chez les Trolls afin de continuer d'apprendre de leur culture.

Lentement mais sûrement il continuait d'en apprendre sur toutes sortes de magies, mais aussi sur l'histoire, à la fois du point de vue des Sorciers mais aussi celui des Trolls. Dire que les évènements ne concordaient pas eut été un euphémisme à tous les niveaux. Mais il en vint vite à comprendre que l'histoire 'officielle' était écrite par les vainqueurs qui se trouvaient sans coup férir être les gentils.

Cela considéré, il ne devenait dès lors plus étonnant qu'aucun Seigneur des Ténèbres ne l'ait jamais emporté ou ait régné bien longtemps. Le terme 'ténèbres' était devenu un mot de plus dont le sens était utilisé avec beaucoup de largesse. Durant le millénaire passé seuls quelques individus avaient pu se targuer de porter simultanément le titre de Seigneur des Ténèbres et celui de Seigneur de la Lumière selon la personne qui décrivait ledit individu. Dans la bibliothèque d'Aloysus il avait découvert au moins trois personnes détenant les deux titres. Salazar Serpentard, Godric Gryffondor et Gellert Grindelwald. Bien évidemment il était fort possible qu'il y en ait eu d'autres, mais dans cette bibliothèque seuls ces trois-là disposaient de livres les mentionnant sous deux jours diamétralement opposés. Ils étaient probablement aussi les personnages les plus célèbres de l'histoire de la Magie d'Europe.

En gardant cela dans un coin de sa tête, il se demanda si ce Dumbledore, qui contrôlait à présent toutes les choses au Royaume-Uni, se serait aussi vu affubler du titre de Seigneur des Ténèbres s'il avait perdu la guerre contre Grindelwald. Sans parler de ce Voldemort. Enfin, peut-être cet homme ne pouvait-il pas être considéré comme charmant si ces exactions envers les Moldus et les Nés-Moldus constituaient une quelconque indication. Mais les guerres étaient remportées en versant le sang des innocents plutôt que celui des combattants. Qui sait si le Seigneur des Ténèbres insurgé n'aurait pas été acclamé comme un Seigneur de la Lumière si sa révolte n'avait pas été jugulée par le hocus-pocus de ce Garçon-Qui-a-Survécu ? Cela donnait à réfléchir comme bien d'autres choses de ce monde qu'il apprenait chaque jour.

Après trois mois d'études et d'entraînement avec la vieille, La Balafre était devenu un combattant acceptable et pouvait se targuer d'être en mesure de survivre à un combat. Assez longtemps pour prendre la fuite, en tout cas.

Finalement, grâce à sa maîtrise nouvellement acquise de la magie, il pouvait arrêter de faire ces…choses en échange de ces potions à la valeur inestimable et se mettre à travailler pour des salaires bien plus intéressants en ville. Il ne lui restait plus qu'une nuit à passer au service de cet homme avant de tourner définitivement la page et de commencer une vie meilleure.

Mais comme souvent dans ce genre de cas la nuit devait se faire la plus sombre possible avant que la lumière du petit matin ne puisse éclairer une nouvelle aube. Le pauvre petit garçon n'avait aucune idée de la destinée qu'il empruntait tandis qu'il se dirigeait vers le Manoir derrière la Colline.

Plus tard il se souviendrait de cette nuit comme étant à la fois la pire mais aussi la meilleure de sa vie. La nuit où tout changea.

Une fois de plus.

 

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